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Page:Gozlan - De neuf heures à minuit, 1852.djvu/117

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yeux sur la pendule, et sans les porter quelquefois sur le plafond pour chercher à pénétrer, étrange et perpétuelle énigme, la cause des longues veillées de son père et de sa mère.

Après avoir entendu sonner minuit, elle arrangea la mèche de sa lampe, et monta, glacée par le froid, à sa petite chambrette. Une fois sa porte verrouillée, elle courut à la croisée, et son regard, sans se poser sur la campagne, couverte d’un tapis de neige, alla droit à la petite fenêtre de la maison, dont la vue lui avait fait pousser un cri de joie le jour qu’elle la découvrit, là-bas, là-bas, au bout de la Prairie. Une lumière y brillait.

— Il veille encore, dit Manette : il m’attendait !

Tout à coup, Manette ne sentit plus le froid.

La fille de M. Leveneur cacha alors la lumière de la lampe derrière un grand carton à chapeau.

Au même instant, la lumière de la croisée éloignée, disparut aussi.

— Il sait que je suis ici, dit Manette, qui se hâta d’ouvrir un tiroir et d’y prendre plusieurs morceaux de bougie. Elle en alluma d’abord deux, qu’elle plaça sur le manteau de la croisée, derrière la vitre de l’œil-de-bœuf, et elle attendit.

Deux petites clartés, qui scintillèrent au fond de la perspective, répondirent à ce signal.

Pendant tout le temps que brûlèrent ces quatre petites flammes, séparées par la distance d’une lieue et une plaine glacée, Manette ne cessa de regarder avec un long attendrissement la maison isolée ; et cette contemplation fit tomber peu à peu le voile de tristesse dont son visage était couvert. Une douce langueur remplaça cette empreinte de souffrance. Ses lèvres s’entr’ouvrirent, ses yeux se fermèrent à demi, et sa tête tomba, mélancolique et rêveuse, sur