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Page:Gozlan - De neuf heures à minuit, 1852.djvu/159

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je ne pourrai pas toujours demeurer dans cet endroit caché ; il faudra dans quelques jours que j’en sorte ; et pour aller où ? au régiment ? Jamais ! jamais ! »


— C’est donc un déserteur ? interrompit Leveneur,


« Je ne veux pas servir ; non, je ne veux pas pendant huit ans livrer mon corps avide d’indépendance, mon âme d’artiste, à la baguette d’un imbécile nommé caporal ou sergent-major. D’ailleurs, le temps c’est la vie, et ma vie est à la peinture, aux arts, à vous, Clarisse ! »


— Ce n’est pas un déserteur, c’est un réfractaire amoureux, ajouta Leveneur. Mais quelle est donc cette Clarisse à laquelle il écrit ? Vois donc l’endroit où cette lettre est adressée.

— À Serneuil.

— Si près d’ici ! Connais-tu une Clarisse Trélard, à Serneuil ?

— Non.

— Ni moi non plus. Continue,

Madame Leveneur, qui, comme toutes les femmes, avait un côté faible pour les romans, ne se fit pas prier pour reprendre :


« La réflexion, chère aimée, m’est venue avec le calme, et le calme dans la solitude. Ne désespérons pas encore ; disons-nous d’abord que, n’eussé-je pas été dans la position mauvaise où je suis, j’aurais toujours été dans l’impossibilité d’obtenir votre main du consentement de votre père, qui est sans doute un honnête homme, mais qui a l’esprit obscurci par le commerce, le cœur plein des affaires d’intérêt, les goûts nécessairement très-vul-