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III

Dans ce même salon où nous fûmes témoins, au commencement de cette histoire, d’une scène d’intérieur, d’un tableau de famille si plein de mansuétude et de félicité, nous retrouvons, mais bien changés depuis, nos mêmes personnages, le docteur Young, mistress Philipps et Sarah.

Vainement voudraient-ils échanger des consolations ; le courage leur manque.

Le visage caché dans un mouchoir dont ses doigts pâles et crispés pétrissent le tissu, brisée au fond d’un fauteuil, le bras droit mollement abandonné au docteur, mistress Philipps est anéantie. Aucune plainte ne s’échappe de ses lèvres, aucune larme de ses yeux. Toute énergie est épuisée.

Le malheur vaut le temps : Sarah a vieilli de dix années ; elle semble devenue imbécile.

— Ne soyez point si contrariée, madame, continua le docteur après une pause qui, selon les apparences, durait depuis quelques minutes, de n’être point venue chez moi dans votre fatale course ; vous ne m’auriez point rencontré, j’étais à la campagne.

— En effet, répondit mistress Philipps d’une voix éteinte et sans changer de position, vous deviez être absent pour mes affaires. Oui, il me souvient de vous avoir prié de passer chez M. Burns, mon notaire, pour vendre mes propriétés et pour effectuer le placement que nous destinions à Lucy. Pardon, docteur, d’avoir oublié de vous remercier de cette peine.

Ne jugeant pas à propos d’insister sur ce point, le docteur se tut ; mais il retint le bras de mistress Philipps,