Page:Gozlan - De neuf heures à minuit, 1852.djvu/85

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Nous arrivâmes enfin devant une porte, fermée à la vérité, mais ornée à l’un de ses côtés d’un cordon en velours dont je fis aussitôt usage. Je sonnai ; un homme parut.

— Un homme enfin ! s’écria Beziers.

Ce gardien, ce concierge, car je ne sais quel nom lui donner quand je me rappelle son costume, se dirigea lentement vers nous après être sorti de son pavillon de bambous vernis. Il était babillé de velours grenat d’une richesse étonnante pour un homme chargé de la fonction qu’il remplissait. Ses pantoufles étaient également en velours ; mais d’une autre nuance, et il portait des gants violet clair. Entre sa veste et son gilet, on apercevait le luxe de sa chemise en toile de Frise. Ces riches parties de son costume paraissaient neuves, achetées de la veille ; pas d’usure, pas de pli, pas d’ombre.

— Que veulent ces messieurs ?

— Voir Broek.

— Qui êtes-vous ?

— Je suis le baron de Ville… et voilà mon domestique.

— Les domestiques n’entrent pas à Broek.

— Comment ! et si je veux y passer quelques jours ?

— Personne ne passe quelques jours ici.

— Pourquoi ?

— Parce qu’il n’y a pas d’hôtel et qu’on n’est reçu nulle part.

— Mais enfin… Mon pauvre Beziers, dis-je à mon domestique, tu resteras à la porte du paradis.

— Oui, et les questions du brasseur et du patron de barque ne m’étonnent plus. Mais comme il vous regarde, ce portier du paradis ! Qu’a-t-il pour tant vous examiner ?

— Votre habit…

— Est noir, comme vous voyez, dis-je au concierge, dont