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Page:Gozlan - De neuf heures à minuit, 1852.djvu/86

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l’inspection presque impertinente intriguait Beziers et faisait bouillonner sa mauvaise humeur provençale.

— Votre cravate ?…

— Blanche, monsieur.

— Presque blanche, reprit froidement le concierge. Et puis votre gilet ?

— De soie verte.

— Un peu usé, déjà porté.

— Monsieur…

— Vos bottes ?

— Vernies, sacrebleu ! vernies. Je n’en porte pas d’autres.

— Époussetez-les avec votre mouchoir.

— À la fin !…

— Époussetez-les, vous dis-je, ou vous n’entrerez pas dans Broek.

— Je n’entrerai pas !

— Non, monsieur, si vos bottes ne sont pas plus claires.

— On me refuserait !…

— Vous ne seriez pas le premier à qui la porte de Broek aurait été interdite à cause de quelque négligence dans le costume. Pour ce motif, elle a été refusée autrefois, au duc de Holstein, au prince royal de Suède, au duc de Toscane, et Napoléon, le grand, empereur, n’a pu y pénétrer qu’en passant des pantoufles sur ses bottes victorieuses.

Je me tus. Du moment où Napoléon avait consenti à mettre des pantoufles pour fouler le sol où s’élève le village de Broek, j’aurais eu une insolente mauvaise grâce à refuser d’épousseter mes bottes vernies. Je me soumis.

— Puisque vous consentez, voilà un mouchoir de batiste, me dit le concierge en m’offrant en effet un carré de toile d’une finesse exquise.

— Un mouchoir de batiste pour épousseter… et présenté