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le dragon rouge.

une vérité fatale. Le délire de la fièvre avait grossi dans sa conscience l’obligation de parler, et de cette confession étaient résultés tous les maux domestiques sur lesquels elle s’accusait et se lamentait dans les vastes salons déserts de l’hôtel.

Un an allait être bientôt écoulé depuis ce malheureux départ, lorsqu’un matin, de très-bonne heure, une voiture de voyage s’arrêta toute poudreuse à la porte de l’hôtel. Le suisse courut ouvrir et la voiture entra.

Marine, encore couchée, levait la tête pour s’expliquer le bruit inaccoutumé qu’elle entendait dans la cour, habituellement si paisible ; tout à coup la porte de sa chambre s’ouvrit et deux bras l’étreignirent.

Les premiers mots de la marquise furent :

— Et mes enfants ?

— Tiens ! lui dit Marine en ouvrant le tiroir du secrétaire placé près d’elle, voilà toutes leurs lettres. Il y a bien longtemps que je n’en ai reçu. Quand ils ont vu que tu ne leur répondais pas, ils ont cessé d’écrire.

La marquise posa ses lèvres sur toutes ces plis rangés en ordre par la soigneuse Marine, et se plut à savourer pendant quelques minutes les bonnes choses filiales qu’ils renfermaient.

Elle décacheta ensuite la première lettre. Tristan l’avait commencée, Léonore l’avait finie.

« Chère maman,

« Nous sommes à Madrid depuis huit jours et installés, Léonore et moi, dans un très-joli appartement de l’ambassade. C’est un petit palais dans un grand ; mais nous auriez-vous envoyés au fond de la Chine, nous n’aurions pas été plus dépaysés qu’ici. Nous sommes peut-être en Chine ; personne ne nous connaît et nous ne connaissons personne, ce qui ne nous permet pas beaucoup, comme vous l’imaginez, de nous informer avec quelque raison de la santé de ceux qui nous font l’honneur de nous recevoir. Tout le monde s’est bien porté pour nous.