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le dragon rouge.

— Il n’y a jamais eu de traître dans ma famille, dit d’une voix tout à la fois fière et mourante Casimire en rouvrant les yeux. Le mal que j’ai ressenti n’a pas de cause sérieuse ; rassurez-vous, mon ami, je suis mieux. Depuis quelques jours, à la même heure de l’après-midi, j’éprouve de semblables faiblesses.

Casimire s’était remise dans son fauteuil. Pendant quelques minutes elle laissa sa main dans celle du commandeur, et leurs yeux se confièrent les dernières douleurs de la séparation, celles dont la bouche ne peut pas rendre les nuances profondes.

— Mais adieu, dit Casimire, adieu donc, puisque vous êtes décidé à nous quitter ; adieu, monsieur le commandeur ; je vous attendrai.

— Ce mouchoir que vous avez baigné de vos larmes…

— Prenez-le, dit Casimire en le donnant au commandeur et en faisant tomber, comme par mégarde, sous la table, le papier qu’il cachait.

— Vous m’attendrez ! dit le commandeur en imprimant un baiser sur le mouchoir, et si je ne reviens plus ?

— Alors, répondit Casimire, ce sera à moi à aller vous trouver ; et Casimire de Canilly tient toutes ses promesses.

— Tant d’amour ! s’écria le commandeur.

— Tant d’amitié, répliqua Casimire, éteignant ainsi le cri du commandeur sous une distinction glacée. De l’amour ! Vous aurais-je abusé par mes paroles, mal comprises, mal interprétées ? Avec un ami d’enfance, avec un protégé de mon père, avec un enfant de la famille, je n’ai pas craint d’ouvrir, d’épancher mon cœur, au moment d’une séparation pénible. Ah ! monsieur le commandeur, l’amitié n’a donc pas de regrets, d’espérances, que mes regrets, que mes espérances aient été pris pour de l’amour ?

— Mais vos larmes, ces larmes que j’ai vues couler ?…

— Vous vous êtes trompé, monsieur le commandeur, je ne pleurais pas.