Page:Gozlan - Les Nuits du Père Lachaise, tome 1, A. Lemerle, 1845.djvu/89

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— Ce n’est pas cette crainte qui m’arrêterait, car elle n’est pas fondée. Le corps qu’on apporte ici est rarement, quoique victime, le personnage principal, intéressant de l’histoire dans laquelle il figure. Il a été, sans doute, de la mêlée, il a pris part au combat, il est tombé sur le champ de bataille, c’est vrai, mais non comme général ou capitaine, mais souvent comme simple soldat, comme éclaireur sans grade, sans importance. Je passe par-dessus lui pour arriver à l’état-major qui est bien loin de là et qui est le cœur de l’armée. Souvent celui qui n’est plus, ouvre une action, entame un drame sublime, dont tous les acteurs sont vivants, et c’est ainsi avec ce mort, je le répète, que je prends les autres, ceux qui se cachent dans les plis du vaste océan de la vie, comme à la mer on prend, avec un lambeau de requin mort, les poissons qui nagent à toutes les profondeurs.