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Page:Gozlan - Les martyrs inconnus, 1866.djvu/60

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et une foule d’autres hors-d’œuvre. Mon ambition, continua-t-il, reprenant le fil de son histoire, mon unique désir est de rendre à l’humanité tous les biens que j’en ai reçus. Depuis cinq ans, je parcours l’Europe dans l’intention d’adopter un enfant, un enfant que j’élèverai comme j’ai été élevé, que j’aimerai comme j’ai été aimé, qui héritera de toutes mes richesses comme j’ai hérité de toutes celles de mon bienfaiteur.

À ces dernières phrases d’Adrianoff, Chabert, sincèrement enthousiasmé, se leva et offrit un verre de champagne à l’intéressant narrateur russe.

— Vous êtes un brave cœur, Adrianoff. À votre santé !

— Bien honoré, cher colonel, mais j’ai déjà beaucoup bu ce matin à mon déjeuner.

On sait maintenant ce que valaient les refus d’Adrianoff ; aussi ne sera-t-on pas étonné s’il accepta le verre de champagne que lui offrait le colonel et qu’il vida pieusement d’un seul trait ; s’il accepta pareillement un second verre que Duportail lui porta à son tour en lui disant du sérieux le plus diplomatique du monde :

— Si jamais vous me trouvez sur la neige au pied d’un bouleau, ô Adrianoff, adoptez-moi !

Ce fut avec le même regret qu’il avait déjà manifesté