Page:Gozlan - Les martyrs inconnus, 1866.djvu/79

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te le jure sur l’honneur, sur l’honneur, entends-tu bien ? je ne toucherai pas avant trois mois aux trente-cinq autres mille francs qui vont rester entre tes mains.

Il se joua ici une comédie, ou plutôt un drame vraiment sublime entre cet homme, supérieur à tous les titres par sa position, et celui qui obéissait toujours, à toute heure de la vie, mais qui, cette fois, se débattait sous le poids de la supériorité empiétant sur un autre ordre de sentiments. L’honneur l’emportait ou cherchait à l’emporter en lui sur la soumission ; l’honneur en avait le droit ; mais fallait-il que le devoir fût le plus fort ? Il y avait presque des larmes dans les yeux du maître qui parlait et suppliait. L’honnête soldat fut à la hauteur de sa situation, et c’est de cette manière qu’il le prouva.

Ouvrant brusquement son habit, il dit au capitaine :

— Prenez votre argent vous-même ; moi, je ne veux pas y toucher.

Georges saisit vivement le portefeuille dans la poche de Gabriel, prit quelques billets qu’il compta, en laissa quelques autres et remit ensuite le portefeuille où il l’avait trouvé.

— Merci, Gabriel.

Gabriel ne répondit pas à ce remercîment.