est de vouloir ce qui est et de régler son cœur sur sa destinée. Et sa destinée se renouvelle au moment où le roman est interrompu : Émile est devenu l’esclave du dey d’Alger. — On ne saurait se donner raison avec plus d’ampleur. Aux arguments de psychologie théorique Rousseau ajoute la preuve de l’expérience accomplie ou qu’il suppose telle : c’est la glorificalion de sa doctrine. Quant à Sophie, devait-il aussi reprendre plus tard son histoire ? Elle n’apparaît qu’une fois dans la première partie des Solitaires, et c’est la mère seule qui s’y montre, un peu comme elle se montrerait de nos jours dans un drame : le soir, à la tombée de la nuit, derrière la porte où Émile travaille, tenant dans ses bras son enfant, et disant à demi-voix, à travers des sanglots étouffés : « Non, jamais il ne voudra t’ôter ta mère ! » Émile, qui s’analyse lui-même avec tant de soin, ne semble pas aussi soucieux de pénétrer dans l’âme de « cette fille enchanteresse » et d’y chercher le secret de sa faute. Rousseau aurait-il été aussi à l’aise pour faire avec elle cette sorte d’examen de conscience qu’il poursuit avec Émile imperturbablement ?
III
On peut essayer de le faire pour lui. « Je n’avais aucune idée des choses, écrit-il dans une des premières pages de ses Confessions, que tous les sentiments m’étaient déjà connus ; je n’avais rien conçu ; j’avais tout senti. » En abordant l’éducation d’Émile, il semble se défier de ces entraînements. Il ne se borne