Page:Gréard - L’Éducation des femmes par les femmes, Hachette, 1889.djvu/278

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d’une vie qu’elle est impuissante à diriger, elle n’a d’autre ressource que de mourir.

Ce dénouement de la Nouvelle Héloïse et de l’Émile est la condamnation de la doctrine. Rousseau n’a pas de juge plus sévère que lui-même. C’est à la fois son expiation et son honneur. On souffre de son orgueilleuse humilité lorsqu’il ne se confesse que pour se vanter ; on éprouve une sorte de soulagement quand, par un de ces retours au bon sens avec lequel il ne rompt jamais. il se relève d’une erreur par une inconséquence. Suivant le mot de Grimm, il ne voyait jamais les choses que d’un œil. « Personne, disait-il lui-même, personne n’étant jamais bien sûr d’être d’accord avec soi, le grand point est de connaître ses inconséquences et de garder celles qui sont les plus utiles au bonheur. » C’était, selon lui, le moyen d’avoir l’esprit juste et le cœur content. C’est surtout, semble-t-il, celui de se faire pardonner au moins en partie de dangereux paradoxes. L’aveu que les élans du sentiment et de l’imagination, ne fussent-ils jamais que généreux, ne sont point les vraies forces de l’âme ; que l’exaltation de la sensibilité n’engendre pas toujours la vertu, et surtout qu’elle n’en saurait tenir lieu ; que l’aspiration vers une certaine beauté morale mal définie, flottante, réglée par l’opinion, ne peut sans péril être substituée, dans le cœur humain, à la loi du devoir ; qu’il faut à la femme un fonds solide d’éducation pour assurer sa dignité et son bonheur : toutes ces conclusions que Rousseau fournit plus ou moins directement contre lui-même désarment la critique. Quand, embrassant à la fois les principes et les effets de son système, on cherche à en résumer le caractère et la portée, ces démentis qu’