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ROMAN D’UN PÈRE.

— C’est mon mari, reprit-elle ; il n’est pas parfait, mais tel qu’il est… c’est mon mari, enfin, dit-elle pour la troisième fois.

Je sentis le feu d’une rage intérieure parcourir tout mon être. Ce butor était son mari, grâce à moi ! Un homme qui faisait le magister et qui parlait en maître à ma Suzanne, après quinze jours de mariage !

Il nous rejoignit, et commença à me parler d’un ton si aimable que j’eus plus que jamais envie de l’étrangler. Mais il fallut lui répondre poliment, car Suzanne l’avait dit : c’était son mari.

Au bout de huit jours de cette existence, j’en avais assez. Mon séjour à Lincy n’avait jamais dû avoir de durée bien déterminée ; je prétextai des affaires, j’alléguai des lettres qui réclamaient ma présence à Paris, et je dis à Pierre de faire mes malles. Le brave garçon m’obéit avec un empressement qui me prouva que le séjour du château ne lui agréait pas plus qu’à moi.

— Tu veux donc t’en aller, père ? me dit Suzanne avec tristesse, le jour que j’annonçai mon départ.

— Écoute, mon enfant, lui dis-je, je crois qu’il est encore trop tôt ; votre mariage est trop