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ROMAN D’UN PÈRE.

c’est une parente de monsieur, mais si ce n’était pas monsieur…

— Comment ! elle veut qu’on paye l’omnibus, à présent ?

— Oui, monsieur, elle a dit qu’elle n’avait pas de monnaie.

— Très-bien, Pierre ; retenez l’omnibus, je le prends à l’heure. Et d’abord, faites entrer cette dame.

Pierre introduisit la dame, — et je compris alors pourquoi le pauvre garçon avait été si fort troublé. C’était une grande femme, maigre, basanée, avec un châle jaune et des socques. Elle se précipita sur Suzanne et voulut l’embrasser ; mais la petite, juchée dans sa haute chaise, se débattit à grands coups de ses petits poings fermés, et lui mit son chapeau sur l’oreille, ce que voyant, la femme au châle jaune se tourna vers moi avec un aimable sourire, et me dit, non sans un fort accent comtois :

— Je suis la cousine Lisbeth, est-ce que vous ne me reconnaissez pas, cousin ?

Ce nom évoqua dans ma mémoire un coteau couvert de vignes, où nous allions grappiller la vendange, mes frères et moi, quand nous étions tout petits ; on roulait sur l’herbe courte des