Page:Graetz - Histoire des Juifs, A. Lévy, tome 1.djvu/112

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d’un amour déshonnête. Il lui aurait été facile de demander sa main, mais il avait d’autres vues. D’après l’odieux conseil de son ami Jonadab, il l’attira dans sa chambre en prétextant une maladie, abusa de son innocence et, ajoutant l’insulte à l’impudicité, la fit jeter à la porte, comme si, nouveau Joseph, il eût été en butte à ses séductions. Thamar courut à son appartement éperdue, désespérée, se tordant les mains, déchirant ses vêtements. Absalon la rencontra ainsi pantelante, surexcitée, et, en voyant sa sœur dans cet état, un projet traversa soudainement sa pensée. Il tranquillisa la malheureuse, l’engagea à se taire et lui promit de la bien venger. David eut vent de l’infamie commise et en éprouva une vive douleur ; mais il était faible pour ses enfants et fermait les yeux sur leurs écarts. Pour Absalon, qui nourrissait un profond ressentiment contre son frère aîné et qui méditait sa perte, il sut dissimuler deux années durant. Il ne lui adressa pas une parole d’amitié, pas une non plus de haine, afin d’endormir ses soupçons et ceux de son père, et de leur faire croire qu’il avait oublié l’outrage de sa sœur. Il était habile, comme Achitophel, à masquer ses desseins ; et peut-être ce dernier faisait cause commune avec lui et lui avait tracé son plan de conduite. Outre les six enfants qui étaient nés à Hébron, David en avait eu onze à Jérusalem. Chacun de ses fils adultes avait une maison à lui, un personnel et des terres. Absalon avait ses biens et ses troupeaux à Baal-Hasor, non loin de la capitale. Il y convia tous ses frères à la fête de la tonte des moutons qu’il allait célébrer. Pendant que ses hôtes faisaient honneur au repas et savouraient le bon vin, les serviteurs d’Absalon, sur son ordre, assaillirent Amnon et le frappèrent à mort. Par ce meurtre, il atteignait un double but : il vengeait le déshonneur de sa sœur, et, par la disparition de son frère aîné, comptait s’assurer la succession au trône.

David fut anéanti en apprenant cette nouvelle. Son fils, un fratricide ! Ce fut un coup terrible pour l’infortuné roi. Sa première pensée était de poursuivre l’assassin — qui s’était réfugié près de son aïeul, le roi de Gessur, au sud-ouest de la frontière de Juda — et de lui infliger la peine due à son crime, au besoin par