Page:Graetz - Histoire des Juifs, A. Lévy, tome 1.djvu/26

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préparer une œuvre d’émancipation dont les sublimes effets ne devaient se borner ni à leur peuple ni à leur temps ? Les annales de l’histoire nous ont conservé trop peu de données personnelles sur Moïse, moins encore sur son frère et sa sœur, pour que nous puissions comprendre, humainement parlant, par quels degrés leur intelligence s’éleva de la lueur crépusculaire de l’enfance au plein épanouissement de la lumière intuitive. Ce trio fraternel appartenait à la tribu que la supériorité de ses connaissances désignait pour le sacerdoce, à la tribu de Lévi. Sans aucun doute, cette tribu, ou du moins cette famille, avait conservé plus fidèlement le souvenir des patriarches, de leurs doctrines traditionnelles sur Dieu, et elle s’était préservée de l’idolâtrie des Égyptiens et de leurs abominations. Aaron, Moïse et Miryam naquirent donc et grandirent dans une atmosphère morale et religieuse plus pure. Au sujet de Moïse, le document historique raconte que sa mère cacha pendant trois mois le nouveau-né, avant de l’exposer dans les eaux du Nil pour obéir à l’édit du roi. On ne peut guère douter que le jeune Moïse n’ait connu la cour du pharaon à Memphis ou à Tanis (Tsoan). Sans doute aussi, avec sa vive intelligence, il s’assimila les diverses sciences dont l’Égypte était le foyer. Le charme de sa personne et les rares facultés de son esprit durent lui gagner tous les cœurs : mais ce qui le paraît mieux encore que les avantages physiques et intellectuels, c’était sa douceur et sa modestie. Moïse était l’homme le plus doux qui fut sur la terre, tel est le seul éloge que lui décerne l’histoire. Ce qu’elle vante en lui, ce n’est ni l’héroïsme ni les exploits guerriers, c’est l’abnégation, c’est la passion du sacrifice. La doctrine abrahamique d’un Dieu ami de la justice devait lui inspirer de l’horreur pour la hideuse idolâtrie dont il était témoin, et un profond dégoût des mœurs corrompues qui en étaient le fruit. La débauche éhontée, l’asservissement d’un peuple entier par un roi et des prêtres, l’inégalité des conditions, l’abaissement de l’homme au niveau de la brute et plus bas encore, les vices de l’esclavage, il put apprécier toutes ces pernicieuses horreurs, dont la contagion avait déjà gagné sa race.

Toute injustice avait dans Moïse un ennemi déclaré. Le cœur lui saignait à voir les enfants d’Israël roués à la servitude et sans