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Page:Graetz - Histoire des Juifs, A. Lévy, tome 1.djvu/269

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pour Jéchonias un trône plus élevé que ceux des autres rois vaincus auxquels il voulait du bien : l’univers entier devait apprendre par là qu’il entendait accorder à l’ex-roi de Juda le privilège d’honneurs particuliers. Quelques rayons de cette grâce descendirent sur les proches parents de Jéchonias : ceux d’entre eux que leur attitude avait fait retenir en prison sous le règne de Nabuchodonosor obtinrent leur liberté sous celui de son successeur. Qui sait si Évil-Mérodach n’eût pas consenti, finalement, à renvoyer les exilés dans leur patrie et à replacer Jéchonias sur le trône ? Mais la mort le surprit : il fut assassiné au bout de deux ans par son beau-frère Nériglissar (560), et avec lui s’évanouirent les rêves de retour que caressaient quelques esprits. L’illusion fit place à toutes les amertumes de la captivité.

La prophétie, tant de fois répétée depuis un siècle, s’était donc accomplie : de tout le peuple il ne subsistait qu’un reste. Et ce reste était bien faible. De quatre millions d’âmes environ que comptaient les tribus au temps de David et où Juda et Benjamin (les Lévites non compris) entraient pour près d’un million, leur chiffre était tombé à environ cent mille. Des millions d’hommes avaient donc péri par l’épée, la famine et la peste, ou bien, emmenés captifs, s’étaient perdus en pays étranger. Mais l’autre moitié des prédictions, qui annonçait la régénération de Juda, ne s’était pas vérifiée encore. Peu corrigés par tous les malheurs de la patrie, la plupart des exilés, surtout les nobles, persistaient dans leur endurcissement et n’avaient pas cessé de pratiquer à Babylone le culte idolâtre auquel ils s’étaient habitués dans leur pays natal. Les chefs de famille ou Anciens, qui prétendaient à une sorte de souveraineté sur les membres de leur maison, continuaient à pressurer ces derniers et à les maltraiter ou, ce qui revenait au même, ne prenaient d’eux aucun souci et, sous le ciel étranger les abandonnaient dénués de ressources à tous les hasards de l’existence. Parmi les terres qui leur avaient été assignées, ils avaient pris pour eux les meilleures, en ne laissant que les moins bonnes à leurs subordonnés. Le premier prophète de l’exil, Ézéchiel, fils de Busi (né vers 620, mort vers 570), s’appliqua de toute son ardeur à les éclairer et à leur inspirer des sentiments plus humains. Doué d’une éloquence simple et entraînante,