Page:Graetz - Histoire des Juifs, A. Lévy, tome 1.djvu/287

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L’Isaïe de l’exil prête son éloquente parole à une grande pensée, d’où sortira un jour la transformation de l’idée religieuse : Dieu, dit-il, est trop haut pour habiter un temple, si vaste qu’il puisse être ; c’est le cœur de l’homme qui doit être le temple de Dieu :

Le ciel est mon trône et la terre un tabouret pour mes pieds.
Quel est le temple que vous voulez me bâtir,
Et quel endroit peut être mon lieu de repos ?
Tout cela, c’est ma main qui l’a fait,
J’ai parlé, et tout cela a été.
C’est vers celui-là seulement que je porte le regard.
Vers l’humble et le contrit.
Qui est zélé pour ma parole.

C’est en ces traits lumineux que le prophète de l’exil indique le rôle de son peuple dans l’avenir.

Mais les ombres du présent n’en apparaissaient que plus noires ; elles étaient partout, dans tout ce qu’embrassait le regard. Celui que Dieu avait appelé comme son serviteur refusait d’obéir ; l’apôtre qui devait enseigner la vérité était aveugle et sourd. Au lieu de glorifier la loi déposée entre ses mains, il ne faisait que l’avilir et lui-même se rendait ainsi méprisable. Mais précisément parce que l’état moral de son peuple répondait si peu à la grandeur de sa mission, le prophète avait la tâche d’exhorter et de prêcher, de censurer et de tonner. La communauté de l’exil se composait, comme il a été dit plus haut, de deux classes ou partis ennemis : d’un côté, les pieux et les patriotes, les affligés de Sion, et de l’autre ceux qui, livrés à la vie mondaine, ne voulaient entendre parler ni de Sion, ni de retour, ni de salut. Les premiers, que la souffrance avait rendus craintifs, osaient à peine se présenter et encore moins agir ; les seconds n’avaient que dédain pour ceux qui soupiraient après la délivrance, et allaient même jusqu’à les persécuter. Tandis que les uns s’abandonnaient avec désespoir à cette idée poignante, que Dieu avait délaissé son peuple et l’avait oublié, les autres leur disaient avec ironie : Que Dieu se montre donc dans sa puissance, pour que nous assistions à votre joie. L’objet principal du discours de ce grand prophète inconnu fut de rendre aux uns le courage et de ramener les