Page:Graetz - Histoire des Juifs, A. Lévy, tome 1.djvu/52

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d’une puissante lunette, supprime, la distance entre l’œil et le paysage et rapproche du spectateur les points les plus éloignés. Dans ce pays, le doigt de Dieu est visible partout pour une âme sensible et pensante : le Thabor et l’Hermon célèbrent le nom du Seigneur ! La croupe ondulée des montagnes ou leur cime gracieuse n’écrasent pas l’imagination comme ces colosses énormes qui se dressent jusqu’au ciel, ne l’oppressent pas par ces précipices sauvages, par ces crevasses fantastiques qui épouvantent le regard ; mais elles la transportent doucement au-dessus de la matière infime et lui donnent la sensation bienfaisante d’un idéal aimable, suave, pénétrant. Qu’un germe de poésie couve dans l’âme de l’observateur, ce germe s’éveillera et se développera bientôt à l’aspect de cette nature si riche et si variée. Et de fait, la vraie, la chaude et profonde poésie de la nature, c’est là seulement qu’elle a pris naissance.

Dans ces lieux où, de chaque sommet, le regard peut errer librement au loin et embrasser de toute part un immense horizon, l’âme a conçu sans effort la haute pensée de l’infini, qui ailleurs n’y pouvait entrer que d’une façon artificielle. Sur un pareil théâtre, des âmes vierges se familiarisaient aisément avec l’idée de la grandeur et de la majesté divine. Dès l’aurore de ses destinées, le peuple d’Israël avait reconnu le doigt de Dieu. Ce doigt puissant, il le voyait encore dans l’éternel balancement d’une mer sans limites, dans le retour et la disparition périodiques des nuées fécondantes, dans la rosée distillant des montagnes sur les vallées, dans toutes ces merveilles journalières qu’un horizon borné dérobe à la vue, mais que les grands espaces lui révèlent.

Celui qui a sculpté les montagnes et créé le vent,
Qui fait succéder l’obscurité au jour,
Qui domine les hauteurs de la terre,
Est aussi le Dieu qui protège Israël.

Cette pensée, si tardivement reconnue et cependant si fortifiante pour l’homme, que le même Esprit tout-puissant qui règne sur la nature gouverne aussi l’histoire, que l’Auteur des lois inflexibles