Aller au contenu

Page:Graetz - Histoire des Juifs, A. Lévy, tome 1.djvu/62

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

israélite, qui en prévint la décomposition et la ruine. Sa grandeur ressort déjà de ce fait, qu’on le classe au second rang après Moïse, non seulement dans l’ordre chronologique, mais encore eu égard à l’autorité prophétique. Samuel fut une imposante personnalité, un fier et ferme caractère, sévère à lui-même comme aux autres. Vivant au milieu du peuple, en contact incessant avec lui, il surpassa ses contemporains par la religiosité profonde, par l’élévation de la pensée, par l’abnégation. Mais, plus encore que ces qualités, sa grandeur prophétique le mettait hors de pair. Son œil intérieur savait percer les voiles dont s’enveloppe l’avenir : ce qu’il avait ainsi vu, il l’annonçait, et ce qu’il annonçait se réalisait toujours. Samuel descendait d’une des familles lévitiques les plus considérées. Sa mère Hanna (Anne), dont la prière silencieuse et fervente mérita de servir de modèle à la postérité, semble lui avoir transmis une profonde tendresse de cœur. De bonne heure il fut placé par elle sous la direction d’Héli, et fit office de Lévite dans le sanctuaire de Silo. Il en ouvrait les portes chaque jour, aidait aux cérémonies des sacrifices, et restait, même la nuit, dans l’enceinte du tabernacle. Jeune encore, la faculté prophétique s’éveilla en lui, sans qu’il en eut conscience. Un jour, au plus fort du sommeil, il crut entendre de l’intérieur du sanctuaire, où était encore l’arche, une voix l’appeler par son nom. Ce fut sa première vision prophétique. Peu après s’accomplit cette série de malheurs, la défaite de l’armée israélite par les Philistins, la prise de l’arche, la mort d’Héli et de ses deux fils, la destruction de Silo. Arrêté dans son service par ce dernier événement, il revint à Rama dans la maison paternelle, sans aucun doute avec une profonde douleur.

Dans le monde lévitique, où il avait grandi, régnait la ferme conviction que les revers d’Israël étaient la conséquence de la désertion de son Dieu. Plus de tabernacle, cela revenait à dire que Dieu avait abandonné son peuple. Toutefois, Samuel semble avoir insensiblement pris son parti d’une situation irrémédiable et être arrivé à un autre ordre d’idées. Plus de sanctuaire ! Plus de sacrifices[6] ! Le sacrifice est-il donc si indispensable à une pure adoration de Dieu, à une conduite sainte et religieuse ? Cette pensée