Page:Graetz - Histoire des Juifs, A. Lévy, tome 1.djvu/72

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Il faut que le courage de Saül ait singulièrement grandi depuis son élection, ou que, par le fait même de cette soudaine élévation, il se sentit désormais sûr de la protection divine, pour avoir pu seulement concevoir le projet hasardeux de tenir tête à un ennemi puissant et de réparer le désarroi de la chose publique. La situation du peuple, à ce moment, était triste et décourageante, pire encore peut-être qu’à l’époque des juges. Les Philistins vainqueurs avaient enlevé toutes les armes sans exception, arcs, flèches, épées, et n’avaient pas laissé dans le pays un seul forgeron qui pût en confectionner de nouvelles. Seul, le nouveau roi avait une épée, ce symbole de la monarchie chez tous les peuples et dans tous les temps. Les collecteurs d’impôts établis par les Philistins pressuraient le pays jusqu’à la moelle et avaient ordre d’étouffer toute velléité de révolte. Tel était l’abaissement des Israélites, qu’ils étaient forcés de marcher avec les Philistins pour attaquer leurs propres frères. Ils ne pouvaient plus attendre leur délivrance que d’un miracle. Et ce miracle, ce fut Saül, son fils et ses parents, qui l’accomplirent[1].

Jonathan, son fils aîné, eût été plus digne encore de la royauté que Saül. Modeste et désintéressé plus encore que son père, courageux jusqu’au mépris de la mort, il joignait à ces qualités un cœur aimant et chaud, une puissance d’affection éminemment sympathique ; il pêchait presque par excès de bonté et de douceur. Cette vertu eût été un grand défaut dans un monarque, tenu à une certaine dose de fermeté et de rigueur. Nature franche et loyale, ennemi de tout artifice, il disait sa pensée sans détour, au risque de déplaire, de compromettre sa position et sa vie elle-même. Secondé par lui, par son parent Abner, — une fine lame d’une indomptable énergie, — et par d’autres fidèles de la tribu de Benjamin, toute fière du relief qu’il lui procurait, Saül entama la lutte avec les Philistins, lutte d’abord inégale.

C’est Jonathan qui ouvrit les hostilités. Il tomba à l’improviste sur un des commissaires philistins et lui tua ses hommes. Ce fut la première déclaration de guerre, laquelle eut lieu par ordre de Saül ou avec son approbation. Là-dessus, le roi fit savoir à son de cor, dans tout le pays, que la sanglante campagne contre les Philistins était commencée. Beaucoup accueillirent la nouvelle

  1. L'histoire de la guerre de Saül avec les Philistins ne commence qu’à Sam. 1, 13, 3 et suiv. Les deux premiers versets de ce chapitre appartiennent au chapitre précédent.