Page:Graetz - Histoire des Juifs, A. Lévy, tome 2.djvu/183

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âme étaient dominés par un démon, qui ne pouvait être chassé que par la parole magique d’un habile exorciste. Toute maladie extraordinaire, comme la paralysie persistante, la lèpre, une hémorragie chronique, était attribuée à une influence démoniaque, et, pour s’en guérir, on n’avait pas recours à la médecine, mais à l’exorcisme. Les Esséniens s’occupaient de ces cures de ces conjurations magiques, et, dans ce but, ils étudiaient un livre (Séfer Refohoth) qu’ils faisaient remonter jusqu’au roi Salomon, qui passait dans l’opinion populaire pour avoir su chasser les esprits malins. Les remèdes qu’ils employaient consistaient soit en formules prononcées à voix basse et en versets tirés de l’Écriture sainte (lechischa), soit dans l’emploi de certaines racines et pierres douées de prétendues vertus magiques. C’est ainsi que les Esséniens unissaient en eux les idées les plus élevées et les plus basses, mêlant la superstition la plus grossière aux aspirations vers la piété et l’extase sacrée. Leur continence excessive et le soin qu’ils mettaient à éviter le contact des personnes dont le genre de vie différait du leur avaient produit chez eux des abus étranges.

En raison de ces abus, les Pharisiens sensés refusaient leur admiration aux Esséniens. Bien mieux, ils raillaient souvent ce fou de Hassid. Contre les ablutions que les Esséniens pratiquaient avant d’oser prononcer le nom de Dieu, les Pharisiens faisaient observer qu’en bonne logique leurs adversaires devaient s’abstenir entièrement d’invoquer ce saint nom, le corps humain étant un vrai réceptacle d’impureté. Quoique issus des mêmes causes et poursuivant le même but, le pharisaïsme et l’essénisme se séparèrent de plus en plus, à mesure qu’ils se développèrent. Celui-là considérait le mariage comme une institution sacrée, utile à l’humanité ; celui-ci y voyait un obstacle à l’état de pureté absolue. Les Pharisiens admettaient chez l’homme la liberté de volonté et d’action, en vertu de laquelle il est responsable de sa conduite morale. Les Esséniens, au contraire, conflués dans la sphère étroite d’une existence uniforme où chaque jour les mêmes actes s’accomplissent, arrivèrent à croire à une espèce de fatalisme divin, réglant non seulement la destinée des individus, mais encore leurs actes et leur conduite. L’essénisme renfermait