Page:Graetz - Histoire des Juifs, A. Lévy, tome 2.djvu/300

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si vous étiez surpris par une inondation, un incendie, un tremblement de terre, assaillis par la faim ou la peste, continueriez-vous à observer strictement le sabbat ? Resteriez-vous tranquillement dans vos synagogues à lire votre Loi et à commenter vos Écritures ? Ne chercheriez-vous pas plutôt à sauver vos parents et vos enfants, votre fortune, votre propre vie ? Eh bien ! je serai tout cela pour vous ; je serai l’ennemi qui vous attaque, l’inondation, l’incendie, la famine, la peste, le tremblement de terre, l’image visible de l’inexorable Destin, si vous n’obéissez pas à mes ordres ! Mais ces menaces n’intimidèrent ni les grands ni le peuple. Ils restèrent fidèles à leur culte et attendirent de pied ferme la persécution. Quelques-uns seulement, soit crainte, soit ambition, paraissent avoir adopté le paganisme. Le philosophe judéen Philon parle de ces renégats et les représente comme des caractères légers, sans élévation, sans moralité. Le fils de l’arabarque, Tibère-Jules Alexandre, abjura, lui aussi, le judaïsme et parvint plus tard à de hautes dignités dans l’État romain.

Les Judéens d’Alexandrie songèrent à envoyer une députation à l’empereur pour le supplier de venir à leur secours (hiver de l’an 40). On choisit à cet effet trois hommes que leur position et leurs lumières désignaient le mieux pour cette mission. L’un de ces hommes était le Judéen Philon, qui par sa naissance, son rang dans la société, son grand savoir et sa brillante éloquence, était assurément le plus digne de plaider la juste cause de ses frères. Cet homme a exercé par ses écrits une si profonde influence, non seulement sur ses contemporains, mais encore sur la postérité et même en dehors du judaïsme, qu’on ne saurait passer sous silence les rares traits de sa vie qui nous sont parvenus.

Philon (de l’an 10 avant J.-C. à l’an 60 après J.-C.) appartenait à la famille la plus considérée et la plus riche de la communauté d’Alexandrie ; il était le frère de l’arabarque Alexandre. Sa jeunesse fut initiée à toutes les connaissances que les parents riches jugeaient indispensable pour leurs enfants. Avide de s’instruire, il s’assimile à fond ces connaissances. Mais surtout le goût des recherches métaphysiques se développa chez lui de bonne heure et devint une telle passion, qu’il s’y livra sans relâche et sans partage. Planant sans cesse dans les régions idéales, il n’avait aucun goût — il le