Page:Graetz - Histoire des Juifs, A. Lévy, tome 2.djvu/90

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Mais on ne tarda pas à reconnaître combien ces jeux, de création exotique, étaient peu compatibles avec l’esprit du judaïsme. Pour ces différents exercices, on se dépouillait de tout vêtement ; ainsi le voulait la coutume grecque. Les jeunes Judaïses qui s’y soumettaient devaient donc braver la pudeur à la face même du temple, de ce temple où il était interdit même d’accéder par des degrés à l’autel, pour ne pas découvrir sa nudité. Mais une autre honte encore les tenait. En découvrant leur corps, ils laissaient voir le signe de l’alliance, ce signe qui les faisait aussitôt reconnaître entre tous. Devaient-ils figurer, dans ces conditions, aux jeux Olympiques et s’exposer ainsi à la risée des Grecs ? Mais cette honte aussi ils s’en affranchirent, et cela au moyen de prépuces artificiels, se soumettant ainsi à une opération douloureuse pour ne pas trahir leur origine judaïque.

Bientôt les jeunes gens se pressèrent en foule au gymnase ; les jeunes prêtres négligeaient le service du temple pour prendre part aux jeux de la palestre et du stade. Les hommes pieux virent avec effroi cet abandon du caractère national, mais ils se turent. Du reste, ceux-là mêmes qui partageaient les idées de Jason désapprouvaient sa faiblesse pour l’élément étranger, du moment qu’elle mettait en péril l’essence même du judaïsme. Lorsqu’on célébra à Tyr, en juin 12, les jeux Olympiques[2], à l’occasion desquels ou offrait des sacrifices à Héraclès (l’Hercule des Grecs), qui avait, disait-on, institué ces jeux, Jason y envoya des messagers déjà rompus aux jeux publics et autorisés, par conséquent, à y prendre part. Il leur remit en même temps une somme (300 ou 3.300 drachmes) destinée à l’achat de sacrifices en l’honneur d’Héraclès. Mais ces hommes, bien que déjà stylés aux idées et aux mœurs grecques, éprouvèrent des scrupules ; agir ainsi leur parut se rendre complices de l’idolâtrie et reconnaître pour Dieu une statue de marbre. Ils stipulèrent donc qu’ils resteraient maîtres d’appliquer la somme à un autre usage. On voit combien la croyance au Dieu du judaïsme était fortement ancrée, même dans le cœur des plus fervents amis de l’hellénisme. La somme emportée par les messagers de Jason fut employée au profit d’une flotte qu’Antiochus faisait équiper à Tyr.

Cependant la discorde grandissait à Jérusalem à un tel point