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et la jeune Église, en glorifiant et en exaltant en Jésus le Messie, créa une dualité : le Père et le Fils, ou le Créateur et le Logos. Un troisième élément vint bientôt s’ajouter à cette dualité. La conception juive de l’inspiration des prophètes par Dieu, appelée inspiration sainte (Ruah hakodesch), prit, en quelque sorte, corps dans le christianisme et devint la personne du Saint-Esprit, ayant même origine et même principe que Dieu et le Christ. Le christianisme, qui prétendait représenter un judaïsme épuré, s’éloigna à son insu de la conception juive et adopta une espèce de triple divinité. Mais, plus le dogme chrétien de la Trinité était en contradiction avec le principe même du judaïsme, plus on faisait d’efforts pour le découvrir dans l’Ancien Testament et prouver par là qu’il remontait à une haute antiquité. Une pareille démonstration présentait de graves difficultés ; les docteurs de l’Église qui savaient l’hébreu eurent recours à la méthode des allégoristes. Ils crurent voir une allusion à la Trinité dans la multiplicité des expressions servant à désigner Dieu ; ils allèrent même jusqu’à déduire de ce premier verset du Pentateuque, si clair cependant et si simple : « Au commencement, Dieu créa le ciel et la terre, » la preuve que le Christ a pris part à la création du monde ; « car, dirent-ils, le mot commencement signifie, dans ce passage, la sagesse, le Verbe, c’est-à-dire le Christ, et ce verset contient cette profonde pensée : c’est dans le Christ que Dieu a créé le monde. »

Simlaï défendit avec beaucoup de force et d’habileté la conception du Dieu-Un contre le dogme chrétien de la Trinité. Il eut peut-être quelquefois pour adversaire le savant Origène, qui avait séjourné longtemps en Palestine. Simlaï démontra d’une façon péremptoire que tous les passages de l’Écriture sainte invoqués en faveur de la Trinité proclament, au contraire, avec force l’unité de Dieu. La polémique dirigée contre le christianisme éveilla, même chez les païens de cette époque, le désir d’étudier les livres juifs pour combattre, à leur tour, cette religion si envahissante. Aux yeux des théologiens chrétiens, le livre de Daniel, avec ses allusions obscures et ses chiffres mystérieux, était une œuvre sibylline prédisant que Jésus reviendrait dans un temps prochain. Le philosophe païen Porphyre combattit cette interprétation. Ce néo-platonicien, qui portait le nom oriental de Malchus et était origi-