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produisit, dans la politique intérieure de l’empire romain, un changement amené par l’avènement au pouvoir de Julien, neveu de l’empereur Constance, changement dont les conséquences furent considérables pour le judaïsme de la Palestine et de la Babylonie.

Julien était un de ces caractères énergiques qui s’imposent aux hommes et dont le souvenir se grave dans les mémoires en traits ineffaçables. Sans sa mort prématurée et la haine dont le poursuivait l’Église, il aurait certainement reçu le titre de « grand. » Quoiqu’il appartînt à la famille de Constantin, sa vie était sans cesse menacée par les membres de cette famille, et la crainte d’être assassiné le contraignit à pratiquer, au moins en apparence, la religion chrétienne, qui lui était odieuse. Par un hasard des plus singuliers, il fut appelé par son ennemi implacable, l’empereur Constance, à partager le pouvoir avec lui. Devenu bientôt, grâce à un soulèvement militaire et à la mort de son collègue, le seul maître de l’empire romain, Julien, que l’Église a surnommé « l’apostat, » résolut de mettre en pratique les conceptions élevées qu’il avait puisées dans l’enseignement de ses maîtres Libanius et Maxime. Protéger les opprimés de toute nation et de toute religion établis dans son empire, alléger les charges qui pesaient sur ses sujets, relever l’enseignement de la philosophie condamné par ses prédécesseurs, rétablir le culte païen dépouillé de toutes les pratiques qui pouvaient le rendre méprisable ou ridicule, et limiter la puissance toujours croissante du christianisme, telles étaient les préoccupations de Julien. Il avait trop souffert lui-même de la persécution pour vouloir persécuter les chrétiens, il chercha seulement à arrêter leurs empiétements, à leur enlever toute influence dans les conseils de l’État et la direction de l’enseignement, et à les rabaisser par ses mordantes railleries aux yeux des classes éclairées. Pour les Judéens, au contraire, Julien éprouvait une très vive sympathie ; il est le seul empereur romain, après Alexandre Sévère, qui se soit intéressé au judaïsme. D’après son propre aveu, les violences exercées contre les Juifs et les accusations dirigées contre leur religion par les chrétiens, sous le règne de Constance, l’avaient profondément indigné. Cette religion, que des adversaires sans scrupule qualifiaient de blasphématoire, il la connaissait et la respectait, il vénérait le Dieu de la