population était juive. Tarracona (Tarragona), la vieille cité fondée par les Phéniciens, portait le même nom avant qu’elle ne fût conquise par les Arabes. À Cordoue, s’élevait autrefois une Porte des Juifs, et près de Saragosse, existait une forteresse que, pendant la période arabe, on nommait Ruta al Yahud. — Un monument funéraire découvert à Tortose prouve que les Juifs s’étaient avancés jusque dans le nord de l’Espagne. Sur ce monument, élevé à la mémoire d’une jeune femme juive qui portait le nom profane de Belliosa et le nom biblique de Miriam, est gravée une inscription trilingue, en hébreu, en grec et en latin. On peut conclure de cette inscription que les Juifs espagnols étaient originaires de pays où l’on parlait le grec, qu’ils avaient appris le latin sous la domination romaine, et qu’ils n’avaient pas oublié la langue sacrée de leur première patrie.
Les Juifs espagnols, semblables sous ce rapport aux autres habitants de l’Espagne, se vantaient d’être d’une très ancienne noblesse. Non contents de ce fait que leurs ancêtres avaient déjà joui, dans la péninsule ibérique, des droits de citoyens avant qu’elle ne fût envahie par les Visigoths et autres hordes germaniques, ils faisaient remonter leur arrivée en Espagne à l’époque de la destruction du premier temple. Quelques familles, telles que les Ibn-Daud et les Abrabanel, déclaraient même descendre de la maison royale de David ; leurs aïeux, disaient-ils, étaient établis de temps immémorial aux environs de Lucena, de Tolède et de Séville. La famille judéo-espagnole Nassi traçait également son arbre généalogique jusqu’au roi David. Les Ibn-Albalia, plus modestes, se contentaient de dater leur immigration de la destruction du second temple. On racontait dans cette famille que, sur la demande du gouverneur romain de l’Espagne, Titus lui avait envoyé quelques-uns des plus nobles Juifs de Jérusalem, parmi lesquels se trouvait un nommé Baruch, artiste habile à tisser les rideaux du sanctuaire. Ce Baruch, qui s’établit à Mérida, serait le père des Ibn-Albalia.
Le christianisme avait rapidement pris racine en Espagne, puisque avant la conversion de Constantin, il y eut une assemblée de prêtres catholiques à Elvire (Illiberis), près de Grenade. Néanmoins, les Juifs continuaient à jouir auprès de la population chré-