Page:Graetz - Histoire des Juifs, A. Lévy, tome 4.djvu/124

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Dans sa vieillesse, Jacob Tam fut témoin d’un drame sanglant qui se passa près de sa résidence, à Blois. Cet événement tragique mérite une mention particulière, à cause de l’accusation qui en fut l’origine. Pour la première fois, alors, fut produite contre les Juifs cette abominable calomnie qu’ils se servent de sang chrétien pour la célébration de leur Pâque. Un soir, à l’heure du crépuscule, un Juif de Blois, allant faire baigner son cheval dans la Loire, rencontra le domestique d’un seigneur chrétien dont le cheval ne voulut pas entrer dans l’eau. Le domestique connaissait la haine de son maître pour la population juive, et il eut l’idée d’attribuer au Juif qu’il venait de rencontrer la cause de la peur manifestée par le cheval. Il s’avisa donc d’aller raconter qu’il avait vu un Juif jeter à l’eau le cadavre d’un enfant chrétien, ce qui avait effrayé son cheval et l’avait empêché d’entrer dans la Loire. Le maître, qui haïssait fort une femme juive du nom de Pulcelina, très influente auprès du comte Théobald de Chartres, résolut de profiter de cette circonstance pour se venger d’elle. Il répéta au comte les paroles de son domestique, et ajouta que les Juifs avaient crucifié cet enfant à l’occasion de leur fête de Pâque. Théobald fit jeter en prison tous les Juifs de Blois, au nombre d’une cinquantaine, à l’exception de Pulcelina. Celle-ci consola ses coreligionnaires en leur faisant espérer que son intervention auprès du comte, qui l’aimait, assurerait leur délivrance. Mais les malheureux prisonniers apprirent bientôt que, par haine pour Pulcelina, Isabeau, femme de Théobald, surveillait toutes ses démarches et l’empêchait de pénétrer jusqu’auprès du comte. Il restait aux Juifs une seule chance de salut, ils connaissaient la cupidité du comte et ils essayèrent de racheter leur vie à prix d’argent. Sur les conseils de leurs amis chrétiens, ils lui offrirent cent livres argent comptant et cent quatre-vingts livres en créances, probablement tout ce qu’ils possédaient. Le comte aurait peut-être accepté cette offre sans l’intervention d’un ecclésiastique, qui lui persuada qu’avant tout il était nécessaire de s’assurer si le témoignage du domestique était faux. Un soumit le témoin à l’épreuve de l’eau en l’exposant, sur la Loire, dans une barque remplie d’eau. Comme celte barque ne sombra pas, Théobald en conclut que les Juifs avaient réellement commis le crime dont ils