Page:Graetz - Histoire des Juifs, A. Lévy, tome 4.djvu/159

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et croyaient posséder la science universelle, en voulaient à Maïmonide de leur enlever leurs illusions. Au Caire, il y eut quelques talmudistes assez fanatiques pour refuser même de jeter un regard dans le Mischné Thora, afin qu’il ne fût pas dit qu’ils en avaient tiré quelque profit. D’autres étaient persuadés qu’on ne pouvait apprendre le Talmud, et, par conséquent, devenir talmudiste compétent, qu’à Bagdad. À la tète de ces esprits étroits se trouvait Samuel ibn Ali, de Bagdad, l’orgueilleux gaon toujours entouré d’une troupe d’esclaves, qui n’admettait pas qu’on pût lui être supérieur.

Cependant le Mischné Thora rencontra aussi des adversaires honnêtes et sincères, qui sentaient combien le judaïsme talmudique, tel que le concevait Maïmonide, s’éloignait, sur bien des points, de la tradition, et qui voyaient dans cet ouvrage des hérésies et des dangers pour la religion. Mais les savants seuls pouvaient découvrir, dans ce code, ces éléments étrangers au judaïsme et dangereux pour la foi.

Ce ne fut qu’après un séjour de vingt ans en Égypte que Maïmonide obtint, comme médecin, une situation un peu convenable à la cour de Saladin. Il ne fut pas attaché à la personne même du sultan, parce que celui-ci était constamment tenu éloigné de sa capitale par ses guerres contre les partisans de Noureddin et les chrétiens. Nais il avait conquis l’estime et la sympathie du généreux vizir Alfadhel, le protecteur des sciences, dont un contemporain dit qu’il était tout cœur et toute intelligence. Alfadhel le fit inscrire sur la liste des médecins, lui assura un traitement annuel et le combla de faveurs. Stimulées par l’exemple du vizir, les notabilités du Caire devinrent également les clients de Maïmonide, dont le temps fut bientôt tellement absorbé par sa profession de médecin qu’il dut négliger ses études.

Maïmonide acquit aussi une très grande réputation comme écrivain médical. Il figure parmi les trois personnages illustres en l’honneur desquels le célèbre médecin et théologien musulman Abdellatif se rendit de Bagdad au Caire, pour entrer en relations avec eux. Le poète Alsaïd ibn Sina Almoulk le chanta comme médecin dans des vers extrêmement flatteurs, et sa réputation était telle que le roi d’Angleterre Richard Cœur de Lion, l’âme de