Page:Graetz - Histoire des Juifs, A. Lévy, tome 4.djvu/213

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pour les Juifs à observer leur religion dans l’exil, sous un prince chrétien, au milieu des persécutions et des humiliations, que sous le règne du Messie, c’est-à-dire d’un souverain juif puissant et illustre, dans la liberté et l’indépendance. Pour prouver que le Christ n’était pas le Messie, Nahmani rappela, comme l’avaient déjà fait d’autres polémistes, que, d’après les prophètes, toute discorde et toute guerre auront disparu à l’époque messianique et que les hommes vivront entre eux comme frères. Or, dit Nahmani, depuis l’avènement du christianisme, les guerres sont peut-être devenues plus fréquentes, les chrétiens étant aussi belliqueux que les autres nations, et, en se tournant vers le roi, il ajouta : Il me semble, ô roi, que cela te paraîtrait dur, ainsi qu’à tes chevaliers, de te soumettre aux exigences de l’âge messianique et de renoncer à guerroyer.

Effrayés de la franchise avec laquelle Nahmani s’était exprimé sur le christianisme pendant les trois premiers jours du colloque, ses coreligionnaires ainsi que des chevaliers et des bourgeois chrétiens de Barcelone, qui portaient de l’intérêt aux Juifs, lui conseillaient de mettre fin à la controverse. Nahmani était tout disposé à suivre leur conseil, mais, sur l’ordre du roi, le tournoi continua. Le docteur juif en sortit triomphant, et quand le roi le reçut en audience privée, il lui dit qu’il n’avait jamais entendu défendre une mauvaise cause avec autant d’esprit et de chaleureuse conviction.

Par amour-propre et aussi pour maintenir le prestige du christianisme, les dominicains répandirent le bruit que, dans l’impuissance de réfuter les arguments de Pablo, Nahmani s’était enfui secrètement de Barcelone. Naturellement, cela était faux. Nahmani avait prolongé, au contraire, son séjour à Barcelone pour recevoir le roi et les dominicains, qui devaient aller visiter la synagogue. En effet, ils y vinrent le samedi qui suivit la fin du colloque. Là, de Peñaforte recommença à argumenter contre le judaïsme, affirmant, entre autres, que la Trinité pouvait être expliquée par le vin, qui avait à la fois de la couleur, de la saveur et du bouquet et était cependant un. Il ne semblait pas difficile de réfuter de tels raisonnements. Avant de partir, Nahmani fut reçu une seconde fois par le roi, qui lui offrit des présents comme témoignage de son estime.