Malgré son échec à Barcelone, Pablo Christiani ne perdit pas espoir de convaincre les Juifs, dans des colloques publics, de la supériorité du christianisme. Muni de lettres royales (du mois d’août 1263) par lesquelles il était ordonné à toutes les communautés juives d’Aragon et dépendances de soutenir des controverses avec lui, s’il le désirait, dans les synagogues ou d’autres réunions publiques, de l’écouter avec calme, de répondre avec modération à toutes ses questions et de lui remettre les livres dont il pourrait avoir besoin pour son argumentation, Pablo essaya dans bien des villes son système de conversion. Il fut partout accueilli très froidement par ses anciens coreligionnaires. Changeant alors de tactique, il accusa le Talmud, où, peu auparavant, il avait prétendu trouver les dogmes de la religion chrétienne, de blasphémer Jésus et sa mère Marie.
À la suite de ses démarches, le pape Clément IV rendit une bulle pour ordonner de confisquer en Espagne tous les exemplaires du Talmud, et, dans le cas où l’accusation portée contre cet ouvrage serait fondée, de les brûler. Le roi Jayme atténua en partie la bulle papale, il exigea seulement que les passages incriminés ; fussent effacés. La commission de censure, composée de l’évêque de Barcelone, de Raimond de Peñaforte et de trois autres dominicains, signala les passages prétendus outrageants pour le christianisme. C’était alors la première fois que les dominicains exerçaient en Espagne la censure contre le Talmud. Si ce livre n’a pas été brûlé comme en France, les Juifs en furent sans doute redevables au dominicain Raymond Martini, un des membres de la commission, qui croyait avoir découvert dans le Talmud des passages favorables au christianisme ; et, par conséquent, ne voulait pas détruire un recueil aussi précieux.
Après avoir sévi contre le Talmud, les dominicains ne pouvaient pas laisser impuni le savant rabbin qui l’avait si vaillamment défendu au colloque de Barcelone. Du reste, Nahmani venait de leur fournir un nouveau grief contre lui. Pour mettre tin aux vantardises de Pablo Christiani et des dominicains, qui, dans l’espoir d’amener plus facilement les Juifs au baptême, déclaraient qu’ils étaient sortis victorieux de la controverse, il publia, avec l’autorisation de l’évêque de Girone, un compte rendu véridique, en hébreu,