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il est vrai, à précipiter la chute du gaonat. C’était l’Espagne qui allait devenir le centre de la civilisation juive.

Encouragés par la disparition de l’école de Sora et surtout par la mort de Saadia, leur plus redoutable adversaire, les caraïtes attaquèrent de nouveau les rabbanites avec une grande violence. On aurait dit qu’il s’agissait pour eux de donner le coup de grâce au rabbanisme. Salmon ben Yeruham, si vivement combattu par Saadia, arriva en toute hâte de Palestine en Babylonie pour accuser son ancien adversaire, dont la mort le garantissait contre toute nouvelle riposte, de n’avoir su défendre le Talmud qu’en l’interprétant faussement. À côté de lui, luttait avec vaillance et passion un jeune caraïte de Jérusalem, Aboulsari Sahal ben Maçliah Kohen, homme austère et fanatique, qui comprenait l’arabe, écrivait l’hébreu avec une grande élégance et passait aux yeux de ses coreligionnaires pour un savant remarquable.

Comme si c’était une question d’honneur pour les caraïtes de réfuter les arguments de Saadia, Sahal, après bien d’autres écrivains, commença par répondre aux attaques que le gaon avait dirigées contre le caraïsme. Mais il ne s’en tint pas là. Il organisa des conférences publiques, probablement à Bagdad, pour démontrer les erreurs des rabbanites, il y adjurait les assistants, par leur salut, de rejeter tout ce qui est tradition et de refuser toute obéissance aux lois établies par les académies de Sora et de Pumbadita, personnifiées par les deux femmes coupables dont parle le prophète Zacharie, et qui ont transporté le péché en Babylonie. Ces attaques ne restèrent naturellement pas sans réponse. Un rabbanite influent semble avoir fait appel au pouvoir séculier pour mettre fin à la propagande caraïte. Un autre rabbanite, Jacob ben Samuel, disciple de Saadia, emprunta à Sahal ses propres armes pour le combattre, il parla contre le caraïsme dans les rues et sur les places publiques.

La réplique passionnée de Sahal aux attaques de Jacob, rédigée dans un excellent hébreu, donne des renseignements intéressants sur la situation du caraïsme et du rabbanisme de ce temps. Après avoir raillé en vers élégants le mauvais style hébreu de son adversaire et accusé les rabbanites d’avoir dénaturé le judaïsme, Sahal continue en ces termes : « Je suis venu de Jéru-