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encore plus frappants chez les caraïtes, esclaves de la lettre et sans aucune envolée vers la spéculation élevée. Ainsi Salmon ben Yeruham, qui écrivaillait jusqu’à un âge avancé (au moins jusqu’en 957), publiant des commentaires sur le Pentateuque et les Hagiographes et d’autres travaux restés inconnus, était ennemi déclaré de toute recherche philosophique. « Malheur, dit-il dans son commentaire sur les Psaumes, trois fois malheur sur ceux qui délaissent la Bible pour d’autres études, consacrent inutilement leur temps à des sciences étrangères et tournent le dos à la vérité divine ! Vaine et stérile est la philosophie ! On ne trouve pas deux philosophes qui soient d’accord sur un point quelconque. Il se rencontre aussi des Juifs qui étudient la littérature arabe et sont ainsi amenés à négliger la Loi de Dieu. » Quel contraste entre Saadia et son adversaire ! Le gaon aimait la philosophie et savait l’utiliser au profit du judaïsme, Salmon ben Yeruham l’anathémisait sans la connaître et voulait s’en tenir à un judaïsme pétrifié.

Quand l’école de Sora fut fermée, Aaron ibn Sardjadou se flattait que l’école de Pumbadita resterait seule le centre de la civilisation juive ; mais ses prévisions furent trompées. Il n’assista cependant pas à la ruine de ses espérances. Ce fut seulement après sa mort que des rivalités éclatèrent à Pumbadita et amenèrent la décadence de l’académie. À force d’intrigues, Néhémia, le fils de Kohen-Cédék, était parvenu à recueillir la succession d’Ibn Sardjadou, mais il avait contre lui tout le Collège, alors présidé par un homme de haute noblesse, Scherira ben Hanania. Soutenu seulement par quelques riches personnages, il put quand même rester dans ses fonctions pendant huit ans (960-968), mais ne fut jamais reconnu comme gaon par ses adversaires.

Pendant qu’on se disputait à Pumbadita la dignité de chef d’école et, par conséquent, la direction religieuse du judaïsme, les quatre savants de Sora dont il a été question plus haut fondaient de nouvelles écoles talmudiques dans les pays où ils étaient emmenés captifs, en Égypte, en Afrique, en Espagne et en France, et ils rendaient ainsi les communautés juives de ces contrées indépendantes du gaonat. Ces quatre talmudistes s’appelaient : Schemaria ben Elkanan, racheté de l’esclavage à Alexandrie