Page:Graetz - Histoire des Juifs, A. Lévy, tome 4.djvu/249

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qui, pour les questions de la foi, croient pouvoir enfermer l’esprit humain dans des limites étroites et bien déterminées, imposer à autrui leurs propres croyances, déclarer hérétiques et rouer au fer et au feu ceux qui ne pensent pas comme eux. Il s’appelait Abba Mari ben Moïse ou encore Don Astruc de Lunel et était originaire de Montpellier, d’une famille estimée et très influente dans la capitale du Languedoc. Assez instruit et profondément respectueux envers la grande mémoire de Maimonide, il s’inspira des idées de ce philosophe pour se créer un judaïsme à sa façon, qu’il aurait voulu imposer à tous. Il éprouvait une violente aversion, non seulement pour les interprétations des allégoristes, mais, en général, pour toutes les œuvres profanes, qui, pour lui, étaient la cause du mal, et il regrettait qu’on ne livrât pas au bras séculier tous ceux qui s’occupaient de science.

Trop peu influent pour s’attaquer lui-même efficacement à Lévi de Villefranche et à ses partisans, il porta plainte contre eux auprès de Ben Adret, les accusant de saper, par leurs agissements, les bases de la religion juive. Ben Adret lui répondit en déplorant que les étrangers aient envahi les remparts de Sion, et il l’engagea à s’entendre avec quelques amis pour faire cesser un enseignement aussi subversif. Pour lui, ajouta-t-il, il ne voulait absolument pas prendre part à ces querelles, afin de ne pas avoir l’air de s’immiscer dans les affaires des communautés étrangères.

Cependant, sur de nouvelles instances, Ben Adret sortit de sa réserve. Il blâma sévèrement Samuel Sulami d’offrir l’hospitalité à un hérétique et agit si bien sur son esprit qu’il le décida à faire partir Lévi de Villefranche de chez lui. Irrités de voir soulever une sorte de procès d’hérésie, et ne voulant pas s’en prendre à Ben Adret, qui était un homme honnête, bien des membres de la communauté de Perpignan manifestèrent leur mécontentement à l’égard d’Abba Mari, dont la sincérité leur paraissait plus suspecte. Comme il ne se sentait pas assez fort pour agir seul avec ses acolytes, Abba Mari s’efforça d’obtenir l’appui du rabbin de Barcelone. Il aurait voulu que Ben Adret se mit avec lui pour interdire à tous les Juifs d’étudier et même de lire des ouvrages profanes avant l’âge de trente ans. Dès qu’on apprit à Montpellier que des obscurantistes