Page:Graetz - Histoire des Juifs, A. Lévy, tome 4.djvu/291

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réunirent, bannières en tête, sur la place de la cathédrale, et ne se séparèrent qu’après avoir obligé Wintertur et ses collègues à se démettre de leurs fonctions. Alors commencèrent des scènes d’une épouvantable sauvagerie. Deux mille Juifs furent jetés en prison, puis traînés au cimetière, où ils furent tous brûlés. On épargna ceux-là seuls qui se convertirent au christianisme. Le nouveau conseil interdit aux Juifs, pour un siècle, le séjour de Strasbourg. Les biens des victimes devinrent la propriété des bourreaux.

À Worms, où était établie une des plus anciennes communautés d’Allemagne, les Juifs avaient été donnés à la ville par l’empereur Charles IV en récompense des services qu’elle lui avait rendus. Celle-ci avait donc le droit de les traiter comme bon lui semblait. Quand le conseil eut décidé de les brûler ; ils devancèrent leurs bourreaux en incendiant leurs maisons et en se jetant dans les flammes. Plus de quatre cents personnes périrent ainsi. Les Juifs de Francfort et d’Oppenheim se tuèrent également eux-mêmes (vers la fin de juillet).

Quoiqu’ils fussent déjà suffisamment douloureux, les excès contre les Juifs allaient encore prendre un caractère de cruauté plus féroce. Aux yeux d’une grande partie de la chrétienté, la peste noire était envoyée par Dieu en punition des péchés commis par le peuple et surtout par les prêtres. On songea alors à détourner le fléau en s’imposant des mortifications. Des sectaires fanatiques erraient en Allemagne, mi-nus, se frappant de coups de fouet jusqu’au sang, attirant autour d’eux, par les chants lugubres qu’ils faisaient entendre dans les rues, un grand concours de population. Ces flagellants communiquaient leur sombre fanatisme à la foule, et naturellement les premières victimes étaient toujours les Juifs. Il y en avait, du reste, parmi eux qui se qualifiaient avec orgueil de tueurs de Juifs. Un contemporain dépeint ainsi, en quelques vers, la situation de la chrétienté :

La peste vint brusquement établir sa domination
Et faire mourir les hommes par milliers.
Les flagellants se promenaient tout nus dans les rues,
On les voyait se rouer eux-mêmes de coups.
La terre tressaillit sur sa base
Et les Juifs furent brûlés en quantité.