Page:Graetz - Histoire des Juifs, A. Lévy, tome 4.djvu/339

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

que d’un côté ils trouveraient sécurité, honneurs et dignités, et de l’autre des souffrances sur cette terre et la damnation dans l’autre monde. Fanatisée par ces prédications, la populace donnait souvent raison aux avertissements du farouche dominicain en se ruant sur les Juifs. Les maux augmentaient pour ces malheureux et l’avenir leur apparaissait sous les couleurs les plus sombres. Que faire ? Se rendre dans un autre pays ? On a vu plus haut que l’émigration leur était interdite sous les peines les plus sévères. Quoi d’étonnant alors que, pour échapper à ces souffrances, les plus faibles d’entre eux se convertissent ? Aussi, dans de nombreuses communautés, partout où Vincent Ferrer était allé prêcher, bien des Juifs acceptèrent le baptême. Les nouveaux convertis de Salamanque prirent même le nom de Vincentinois. Beaucoup de synagogues furent transformées en églises. Pendant les quatre mois que Vincent Ferrer séjourna en Castille (décembre 1412 - mars 1413), il fit tant de mal aux Juifs qu’ils ne purent plus s’en relever.

Appelé en Aragon, où plusieurs prétendants se disputaient la couronne, il réussit à faire nommer roi de ce pays l’infant castillan Don Ferdinand (juin 1414), qui, en récompense de ses services, s’empressa de le prendre pour confesseur et directeur de conscience et se mit à sa disposition pour réaliser ses désirs dans l’Aragon. Un des vœux les plus chers de Vincent était naturellement la conversion des Juifs aragonais. Ceux-ci aussi, comme leurs coreligionnaires de Castille, furent obligés d’aller entendre prêcher le moine dominicain, et dans bien des communautés, à Saragosse, Daroque, Tortose, Valence et Majorque, les abjurations furent nombreuses. On estime à vingt mille le nombre des Juifs de Castille et d’Aragon qui, plus par contrainte que de leur plein gré, acceptèrent le baptême à la suite des prédications de Vincent Ferrer.

Jaloux, sans doute, du succès de Ferrer, l’antipape Benoît XIII entreprit, à son tour, avec le concours de l’apostat Josua Lorqui ou Jérôme de Santa-Fé, son médecin, de faire des prosélytes. Quoique déclaré schismatique, hérétique et parjure par le concile général de Pise, il était cependant reconnu comme pape dans la péninsule ibérique, et il espérait confondre ses ennemis et se