Page:Graetz - Histoire des Juifs, A. Lévy, tome 4.djvu/361

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

jusqu’à quel point le judaïsme admet le libre examen dans les questions religieuses et si cette liberté de penser est limitée par des articles de foi, il fut amené à se demander si l’on ne peut rejeter aucun des treize articles de foi énumérés par Maimonide sans être taxé d’hérésie. C’est ainsi qu’il se décida à composer un traité de théologie, le dernier qui ait été écrit en Espagne.

Dans sa façon d’exposer son système, Albo diffère sensiblement de ses prédécesseurs. Prédicateur habile et séduisant, il déploie dans son ouvrage les qualités qui distinguaient ses sermons, présentant ses idées sous une forme claire, attrayante et accessible à la foule. Il sait faire comprendre ses conceptions philosophiques par des images saisissantes ; il les illustre par des versets bibliques et des sentences de l’Aggada. Mais il a le défaut de ses qualités. À force de vouloir être clair, il devient prolixe.

Par une contradiction singulière et qui montre avec quelle puissance agit l’influence du milieu, Albo, qui tenait à créer son système de philosophie religieuse avec des éléments purement juifs, place en tête de ce système un principe d’origine chrétienne. Il admet, en effet, que le but assigné par le judaïsme à ses adeptes est le salut de l’âme. Pour Albo, le bonheur suprême de l’homme ne consiste pas dans l’élévation de l’âme, mais dans son salut, et ce bonheur ne peut être atteint que dans l’autre monde, ce monde-ci étant simplement une préparation à cette vie supérieure. Il existe, d’après Albo, trois sortes d’institutions qui font passer l’homme de l’état de barbarie à l’état civilisé : c’est d’abord le droit naturel, base de la société ; ensuite, les lois de l’État, chargées de maintenir l’ordre et les bonnes mœurs, et enfin les lois philosophiques, faites pour assurer à l’homme une félicité durable ou, du moins, pour lui en faciliter l’acquisition. Mais toutes ces institutions ne peuvent pas procurer à l’homme le bien suprême, c’est-à-dire le salut de l’âme ou la béatitude éternelle, parce qu’elles s’occupent seulement des actes, et non pas du motif qui a inspiré les actes.

Si donc le but suprême de l’homme doit être de mériter la félicité éternelle, il ne lui suffit plus d’obéir à des lois politiques ou philosophiques, mais il a besoin d’être dirigé par une législation divine, qui l’empêche d’errer dans les ténèbres et de s’écarter