Page:Graetz - Histoire des Juifs, A. Lévy, tome 4.djvu/466

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Grâce à l’estime conquise par les médecins et les autres savants juifs, de nombreuses villes du nord de l’Italie accueillirent avec bienveillance des réfugiés juifs de la péninsule ibérique et de l’Allemagne, et même des Marranes revenus au judaïsme. Les fugitifs allèrent s’établir de préférence à Rome, Venise, Padoue et Ancône, et c’est dans ces villes qu’après l’extermination de la communauté de Naples se trouvèrent les plus importantes agglomérations juives de l’Italie. Le conseil de la république de Venise manifesta des tendances opposées au sujet des Juifs. D’un côté, les marchands vénitiens n’ignoraient pas que la présente des Juifs serait très utile à la république, et qu’en les maltraitant ils s’exposeraient aux représailles des Juifs de la Turquie. Mais, d’un autre côté, bien des commerçants craignaient la concurrence des Juifs et demandaient leur éloignement. Aussi les Juifs étaient-ils malheureux ou heureux à Venise, selon que l’une ou l’autre de ces tendances triomphait. De toutes les villes italiennes, Venise, la première, enferma ses Juifs (en mars 1516) dans un quartier séparé, appelé ghetto.

En général, l’influence des réfugiés juifs, qu’ils fussent espagnols ou allemands, devint prépondérante dans les communautés italiennes. Les Abrabanel surtout y jouèrent un rôle important. Isaac, le chef de la famille, mourut avant que la situation de ses coreligionnaires fût bien consolidée en Italie. Son fils aîné, Léon Médigo, n’exerça pas non plus une action bien sérieuse. Esprit rêveur et un peu chimérique, il était trop préoccupé de poésie pour condescendre à prêter quelque attention aux choses de ce bas monde. Par contre, Samuel Abrabanel (né en 1473 et mort vers 1550), le plus jeune des trois frères, eut une grande influence sur ses contemporains juifs. Très considéré en Italie, il inspirait à ses coreligionnaires un profond respect. À son retour de l’école talmudique de Salonique, il semble avoir mis au service de Don Pedro de Toledo, vice-roi de Naples, son habileté dans les questions de finances, qu’il avait héritée de son père.

Samuel Abrabanel réussit à acquérir à Naples une fortune considérable, évaluée à 200.000 sequins, qu’il employa à faire le bien. Le poète marrane Samuel Usque parle de lui en termes très élogieux : Il mérite, dit-il, d’être surnommé trismegistos (trois