fois grand), car il est grand par la science, la naissance et la fortune. Toujours prêt à consacrer ses richesses à des œuvres de charité, il dote des orphelins, secourt des indigents et rachète des captifs ; il réunit en lui toutes les qualités requises pour être prophète.
Il était dignement secondé par sa compagne, Benvenida Abrabanela, femme d’élite, pour laquelle les contemporains professaient une véritable vénération. Pieuse et compatissante en même temps que prudente et courageuse, elle était un modèle de bon ton et d’exquise affabilité, qualités qu’on savait mieux apprécier en Italie que dans les autres pays d’Europe. Léonore, deuxième fille du vice-roi Don Pedro, était très liée avec Benvenida, qu’elle continua à fréquenter quand elle fut devenue duchesse de Toscane, et qu’elle appelait du titre d’honneur de mère. Samuel Abrabanel et Benvenida firent de leur maison le rendez-vous des savants juifs du sud de l’Italie ; ils recevaient également de nombreux savants chrétiens.
Comme on voit, les Juifs d’Italie entretenaient encore, à cette époque, des relations amicales avec les chrétiens. Il n’en était pas de même de l’autre côté des Alpes, en Allemagne. Là, les Juifs étaient aussi violemment haïs par la population qu’en Espagne. Ils n’y occupaient pourtant ni emplois élevés, ni brillantes situations à la cour, mais on leur enviait même l’existence misérable qu’ils menaient dans les quartiers spéciaux où ils étaient forcés de s’entasser. Déjà, avant l’expulsion de leurs coreligionnaires d’Espagne, ils avaient été chassés de certaines contrées allemandes, de Cologne, de Mayence, d’Augsbourg, de tout le pays souabe. D’autres régions de l’Allemagne leur furent interdites à l’époque où leurs frères durent quitter la péninsule ibérique.
Il est vrai que l’empereur Frédéric III les protégea tant qu’il put jusqu’à sa mort. Fait très rare en Allemagne, il attacha même à sa personne un médecin juif, le savant Jacob ben Yehiel Louhans, à qui il donna le titre de chevalier. On raconte aussi qu’avant de mourir il recommanda les Juifs à son fils, en lui enjoignant de les défendre contre les odieuses accusations dirigées si fréquemment contre eux, et dont il connaissait la fausseté.