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Page:Graetz - Histoire des Juifs, A. Lévy, tome 4.djvu/54

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fanatiques voyaient dans la situation élevée du ministre juif un outrage pour leur religion, ils ne pouvaient admettre qu’un mécréant gouvernât les vrais croyants. Mais la fortune favorisait Samuel et il sortait des épreuves plus puissant que jamais. Ainsi, après la mort de Habous (1037), deux partis se formèrent à Grenade. La plupart des grandes familles berbères, ainsi qu’un certain nombre de vifs influents, tels que Joseph ibn Migasch, Isaac ben Léon et Héhémia Eskafa, se déclarèrent en faveur de Balkin, le fils cadet de Habous. Un groupe moins important, auquel appartenait Samuel, se rangea du côté du fils aîné Badis. Avant d’essayer même de lutter, Balkin se retira devant son frère. Badis monta sur le trône (octobre 1037). Samuel, confirmé dans sa dignité, devint en réalité véritable roi de Grenade, car Badis, adonné aux plaisirs, se déchargeait complètement sur son ministre des soucis du gouvernement.

Les partisans de Balkin, et parmi eux les trois Juifs nommés plus haut, quittèrent Grenade pour se retirer à Séville. Le prince Mohammed Algafer, ennemi du roi de Grenade, leur fit un excellent accueil et éleva même un des trois réfugiés juifs, Joseph ibn Migasch Ier, à de très hautes fonctions.

La situation brillante de Samuel à la cour de Grenade lui suscita des ennemis, même au dehors. Dans le petit royaume d’Almeria, formé, comme l’État de Grenade, d’un lambeau du vaste empire hispano-musulman, régnait alors le Slavon Zohaïr. Son ministre Ibn Abbas, d’origine arabe et descendant des premiers compagnons de lutte de Mahomet, souffrait dans son orgueil qu’un Juif fût investi de la même dignité que lui. Il excita la population musulmane de Grenade contre Samuel et demanda à Badis de destituer et peut-être même de faire exécuter son ministre. Sur le refus de Badis, Zohaïr et Ibn Abbas lui déclarèrent la guerre. Mal leur en prit. Conseillé par Samuel, Badis s’établit avec ses soldats dans une position très forte, d’où il attaqua et parvint à défaire l’armée d’Almeria. Zohaïr fut tué et Ibn Abbas fait prisonnier (3 août 1035).

Quelques semaines après, Ibn Abbas fut exécuté (23 ou 24 septembre). Dans sa profonde piété, Samuel attribua l’heureuse issue de cette lutte à une intervention spéciale de la Providence ; il composa sur ces événements un poème qu’il adressa à ses amis et admirateurs