Page:Graetz - Histoire des Juifs, A. Lévy, tome 4.djvu/58

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ouvrage, des aperçus ingénieux et lumineux sur le texte biblique. Des hauteurs sereines où il s’était placé, il scrutait ce texte avec une impartialité et une pénétration remarquables. Malgré tous leurs efforts pour déterminer exactement le sens de chaque mot de la Bible, les caraïtes, presque à leur insu, étaient influencés dans leurs explications par la haine de la tradition. Saadia lui-même ne cherchait souvent dans la Bible que la justification et la confirmation de ses théories philosophiques. Ibn Djanah, le premier, érigea l’exégèse biblique en une science indépendante, avant en elle-même sa raison d’être. Aux anciennes interprétations, qui faisaient quelquefois parler à Dieu et aux prophètes un langage enfantin, il opposa des explications claires et simples, qui jetaient une vive lumière sur la pensée des auteurs sacrés. C’est ainsi qu’il rendit compréhensibles plus de deux cents passages difficiles, en partant de ce point de vue qu’au lieu de l’expression juste, qu’il indiquait, les écrivains sacrés avaient employé un terme impropre. Sa croyance au caractère divin de la Bible était absolue, mais il estimait qu’en s’adressant à des hommes, elle avait dû se servir du langage des hommes et était soumise, par conséquent, aux règles et aux défauts habituels de la rhétorique. Il n’était donc pas nécessaire, selon lui, pour expliquer les incorrections et les obscurités qui se rencontrent dans la Bible, d’admettre que, par ignorance, les copistes ou les inventeurs des ponts-voyelles aient modifié ou corrompu des mots ou des formes du texte primitif.

La Critique d’Ibn Djanah est écrite en arabe. Cet ouvrage qui, après le traité philosophico-religieux de Saadia, est la production la plus importante de la littérature juive du moyen âge jusqu’au Xe siècle, témoigne non seulement du savoir de l’auteur, mais aussi de sa haute valeur morale et religieuse. Ibn Djanah déclare, en effet, dans son introduction, qu’il n’a publié son livre ni par ambition ni par vanité, mais pour rendre plus facile la lecture de l’Écriture Sainte et pour éveiller ainsi la piété dans le cœur de ses frères. Convaincu d’être utile, par son livre, à la religion, il persista dans son entreprise sans se laisser arrêter ni détourner de sa voie par l’accusation d’hérésie et les autres attaques que dirigèrent contre lui ses violents et nombreux