Page:Graetz - Histoire des Juifs, A. Lévy, tome 4.djvu/82

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.


CHAPITRE IV


LA PREMIÈRE CROISADE
(1096-1148)


La grande lutte entre le christianisme et l’islamisme, qui eut des conséquences si funestes pour les Juifs, commença dans les, dernières années du XIe siècle. À la suite des doléances qu’un ermite, Pierre d’Amiens, fit entendre au concile de Clermont sur)É les misères que les pèlerins chrétiens avaient à supporter à Jérusalem, nobles, bourgeois et serfs prirent la croix pour aller délivrer le Saint-Sépulcre. Les passions les plus nobles, comme les plus viles. furent mises en branle par cette entreprise, des désordres signalaient partout le passage des croisés, qui répandirent surtout la terreur parmi les Juifs d’Allemagne.

Avant les croisades, les Juifs vivaient en Allemagne dans une sécurité complète. Quand l’évêque Rudiger Huozmann, de Spire, éleva le bourg de Vieux-Spire à la dignité de ville (1084), il résolut de faciliter le développement de la nouvelle cité, en permettant aux Juifs de s’y établir et en leur accordant certains privilèges. Non seulement leur commerce était libre de toute entrave, mais ils pouvaient posséder à Neuf-Spire des fermes, des maisons, des jardins et des vignobles. Leur chef religieux ou rabbin (archisynagogus) était autorisé, comme le bourgmestre, à rendre la justice. Malgré la défense de la loi canonique et la volonté expresse du pape Grégoire VII, ils pouvaient acheter des esclaves et engager des nourrices et des domestiques chrétiens. Pour les protéger contre les attaques et les outrages de la population, l’évêque Rudiger leur assigna pour séjour un quartier spécial de la ville, qu’ils avaient le droit de fortifier et de défendre. En compensation de ces privilèges, qui leur étaient garantis pour toujours, ils payaient un impôt annuel de 3 livres et demie en or. L’empereur