Page:Graetz - Histoire des Juifs, A. Lévy, tome 4.djvu/83

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Henri IV avait ratifié les diverses décisions de Rudiger relatives aux Juifs.

Ce souverain, d’un caractère indécis et léger, avait à un haut degré le sentiment de la justice. Le 6 février 1095, il promulgua un édit qui défendait de baptiser de force les Juifs ou leurs esclaves, ou de les soumettre à l’épreuve du feu ou de l’eau, et qui ordonnait que les procès entre Juifs et chrétiens fussent jugés d’après le droit juif. C’est à ce moment, où leur tranquillité paraissait le plus assurée, que fondirent sur eux avec une férocité sauvage les combattants armés pour la guerre sainte. Un illuminé avait même réveillé, à cette époque, les espérances messianiques dans le cœur des Juifs de l’Allemagne et du nord de la France, il avait calculé que, vers la fin du 256e cycle lunaire, entre 1096 et 1104, le Messie viendrait réunir les fils dispersés d’Israël et les ramener à Jérusalem. Au lieu de l’heureuse annonce de la délivrance, ils entendaient partout les clameurs sauvages des croisés : Les Juifs ont tué notre Sauveur : qu’ils se convertissent ou qu’ils meurent !

Les deux premières bandes de croisés, dirigées par Pierre l’Ermite et Gautier Sans-Avoir, ne maltraitèrent pas spécialement les Juifs, elles pillèrent tout le monde, chrétiens et juifs. Mais les autres bandes, formées du rebut de la France, de l’Angleterre, de la Lorraine et des Flandres, se préparèrent à la guerre sainte contre les musulmans en massacrant partout les Juifs. Ce fut un moine qui leur inspira cette pieuse pensée ; il leur fit accroire qu’on avait découvert, sur la tombe de Jésus, un écrit imposant aux pèlerins l’obligation de contraindre, avant tout, les Juifs à embrasser le christianisme. Les croisés adoptèrent cette idée avec enthousiasme. Les Juifs n’étaient-ils pas, comme les musulmans, des ennemis du christianisme ? Cependant, en France même, d’où la croisade était partie, les massacres furent très rares, parce que l’énergie des princes et des prélats put réprimer la fureur de leurs soldats. À Rouen seulement, ville qui appartenait alors à l’Angleterre, les croisés poussèrent par force des Juifs à l’église, et, le poignard sur la gorge, les obligèrent à choisir entre le baptême et la mort.

C’est surtout en Allemagne que les persécutions des croisés prirent un caractère de bestiale férocité. Les bandes qui pénétrèrent