Page:Graetz - Histoire des Juifs, A. Lévy, tome 4.djvu/88

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

Quand on apprit que les deux cent mille croisés conduits par Emmerich et Hermann avaient été honteusement battus par les Hongrois et avaient péri en grande partie, Juifs et chrétiens regardèrent cet échec comme un juste châtiment de Dieu. Un autre événement favorable pour les Juifs, fut le retour de l’empereur Henri IV, qui revenait d’Italie. Il manifesta publiquement sa compassion pour les Juifs, et, à la demande du chef de la communauté de Spire, Moïse ben Gouthiel, il autorisa tous les Juifs qui avaient reçu le baptême par contrainte à revenir au judaïsme. Ce fut une joie générale parmi les Juifs d’Allemagne. Tous les Juifs baptisés s’empressèrent de rejeter leur masque chrétien (1097).

Cette large tolérance de Henri IV irrita les représentants de l’Église, et le pape Clément III lui-même, qui devait cependant sa tiare à l’empereur d’Allemagne, lui adressa des reproches amers. Nous avons appris, lui écrivit-il, que les Juifs baptisés ont été autorisés à sortir du giron de l’Église. Pareil fait est inouï ; c’est un grand péché, et nous t’invitons ainsi que nos frères à prendre des mesures pour que la sainteté de l’Église ne soit pas souillée. Henri IV ne se préoccupa nullement de ces reproches et il continua à traiter les Juifs avec équité. Il ordonna même une enquête sur la conduite de l’archevêque Ruthard, qui s’était approprié les biens des Juifs de Mayence, et il dédommagea en partie ces derniers au détriment de l’archevêque (1098).

À la nouvelle que les Juifs baptisés d’Allemagne pouvaient revenir au judaïsme, ceux de Bohème reprirent également leur ancienne religion. Mais, dans la crainte de nouvelles persécutions, ils résolurent d’émigrer avec leurs richesses, soit en Pologne, soit dans la Pannonie (Autriche et Hongrie). En apprenant la décision des Juifs, le duc Wratislaw, qui venait de rentrer dans son pays, fit occuper leurs maisons par des soldats, réunit leurs chefs et leur déclara que tous les biens des Juifs de Bohème lui appartenaient. Quand vous êtes venus ici, leur dit-il, vous n’avez rien rapporté des trésors de Jérusalem. Vaincus par Vespasien et vendus pour un prix dérisoire, vous avez été dispersés dans le monde entier. Vous êtes arrivés nus dans ce pays, et nus vous en sortirez. Que répondre à un tel discours ? Il fallait se soumettre à la force. Les Juifs de Bohème furent ainsi dérouillés