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Page:Graetz - Histoire des Juifs, A. Lévy, tome 5.djvu/14

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il apparaissait aux yeux des croyants comme un idéal qui avait été vivant autrefois et qui, forcément, devait reprendre vie.

Mais ces qualités morales étaient comme endormies au fond du cœur du peuple allemand. Il fallait des circonstances favorables pour les éveiller et les rendre capables d’exercer, comme elles le firent, une influence considérable sur la marche de l’histoire. On peut affirmer hautement qu’une des principales causes de ce réveil fut le Talmud. Ce sont les polémiques suscitées à ce moment parle Talmud qui créèrent en Allemagne une opinion publique, sans laquelle la Réforme aurait probablement subi le même sort que les tentatives précédentes de ce genre, qui avaient toutes avorté.

L’auteur inconscient de ce mouvement, qui devait prendre un si formidable développement, fut un Juif ignorant et vulgaire du nom de Joseph Pfefferkorn. Cet homme, boucher de son état, commit. un jour, un vol avec effraction. Arrêté, il fut condamné à la prison. mais. sur les instances de sa famille, on se contenta de lui infliger une amende. Ce fut sans doute pour laver cette tache que Pfeffcrkorn se fit asperger de l’eau du baptême à l’âge de trente-six ans, avec sa femme et ses enfants. À la suite de sa conversion, il devint le favori des dominicains de Cologne.

On trouvait alors dans cette ville un grand nombre d’esprits étroits et fanatiques qui craignaient la lumière et s’efforçaient d’étouffer sous l’éteignoir les clartés naissantes. À leur tête marchait l’inquisiteur dominicain Hochstraten. homme violent et implacable, qui ressentait une vraie joie à voir baller des hérétiques. À côté de lui, il faut signaler Arnaud de Tongres, professeur de théologie dominicaine, et Ortuin de Graes, de Deventer, fils d’un ecclésiastique intolérant et fanatique.

Ortuin de Graes, qui haïssait les Juifs avec passion, cherchait, par des écrits malveillants, à exciter contre eux la colère des chrétiens. Mais, trop ignorant pour composer tout seul même un mauvais pamphlet, il demandait à des Juifs convertis de lui fournir les matériaux nécessaires. C’est ainsi qu’il eut recours à un Juif qui, lors d’une persécution ou pour toute autre raison, avait embrassé le christianisme à l’âge de cinquante ans. Cet apostat, nommé Victor de Karben après sa conversion, savait peu d’hébreu et avait encore moins de connaissances talmudiques ; mais, pour