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Page:Graetz - Histoire des Juifs, A. Lévy, tome 5.djvu/149

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l’exécution des inculpés. Ils gagnèrent aussi les conseillers royaux à leur cause. Sur les instances du souverain espagnol, le pape Clément VIII consentit à se souvenir que déjà ses prédécesseurs Clément VII et Paul III avaient accordé l’absolution aux,Marranes portugais, et, par une bulle du 23 août 1604, il gracia tous les condamnés. L’Inquisition, au lieu de brûler les Marranes, se contenta de les faire conduire près du bûcher en vêtements de pénitents et de les obliger à faire l’aveu public de leurs fautes (10 janvier 1606). Rendus à la liberté, beaucoup de ces Marranes allèrent se fixer en Hollande, notamment Joseph ben Israël, qui emmena avec lui son enfant, devenu célèbre plus tard sous le nom de Manassé ben Israël.

La jeune communauté d’Amsterdam s’accrut rapidement à la suite de l’arrivée de ces groupes de Marranes. Moïse Uri seul fit entrer deux cent quarante-huit personnes dans le judaïsme. On appela alors de Salonique un rabbin sefardi, Joseph Pardo, qui composa en espagnol un ouvrage d’édification. Ce livre, destiné à des lecteurs plus familiarisés avec le catholicisme qu’avec le judaïsme, a presque un caractère chrétien. Bientôt, la synagogue Bèt Jacob, élevée par Tirado, devint insuffisante, et Isaac Francisco Mendès Medeyros en édifia une seconde (1608), avec le concours de sa famille ; elle fut appelée Nevé Schalom. Cette deuxième synagogue eut à sa tête un rabbin, Isaac Uziel (mort en 1620), qui comprenait admirablement l’état d’esprit particulier de ces chrétiens judaïsés et les dirigea avec une grande habileté. Poète, grammairien, mathématicien, il se distinguait surtout par une éloquence pénétrante et persuasive, dont il usa pour détacher peu à peu ses auditeurs de leurs habitudes catholiques et leur enseigner le vrai judaïsme. Sans ménagement pour les plus riches et les plus influents, il s’attira leur haine. De là, de graves dissensions dans la communauté.

En possession de ses deux synagogues, la communauté d’Amsterdam acquit ensuite un cimetière dans le voisinage de la ville, à Oudekerk (avril 1614). Le premier mort qu’on y enterra fut Manuel Pimentel, en hébreu Isaac Abenuacar, familier de Henri IV, roi de France, dont il fut fréquemment le partenaire au jeu et qui l’avait surnommé le roi des joueurs. Deux ans plus tard,