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Page:Graetz - Histoire des Juifs, A. Lévy, tome 5.djvu/159

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criminels juifs, c’est-à-dire des Marranes qu’il ne voulait pas livrer aux flammes. Ces Marranes, traités comme des voleurs et des assassins, facilitèrent la conquête du Brésil à la Hollande, qui y envola comme gouverneur Jean-Maurice de Nassau (1624-1636). Les Marranes brésiliens se mirent alors en rapport avec les Juifs d’Amsterdam, jetèrent complètement le masque du catholicisme et fondèrent à Pernambouco une communauté sous le nom de Kahal Kados, communauté sainte.

Bientôt, plusieurs centaines de Juifs portugais d’Amsterdam embarquèrent pour le Brésil, soit qu’ils y eussent été appelés, soit de leur propre initiative, pour nouer des relations avec ce pays. Ils se firent accompagner par le hakham Isaac Aboab da Fonseca (1642). Ce fut le premier rabbin brésilien. À Tantarica aussi s’organisa une communauté juive, qui plaça à sa tête le rabbin Jacob Lagarto, le premier écrivain talmudique de l’Amérique du Sud.

Les Juifs du Brésil jouissaient des mêmes droits que les autres habitants et étaient très estimés des Hollandais, auxquels ils rendaient des services comme conseillers et comme soldats. Lors d’une conspiration ourdie par les Portugais indigènes pour tuer les fonctionnaires hollandais et rendre le pays à ses anciens maîtres, un Juif dénonça le complot aux Hollandais. Quand, plus tard (1646), la guerre éclata entre les Portugais et les Hollandais et que Pernambouco, assiégé et souffrant de la faim, fut sur le point de se rendre, le gouverneur fut encouragé par les Juifs à persister dans sa résistance.

En France aussi, des Marranes vinrent chercher un refuge contre les violences et les persécutions de l’Inquisition. Ils n’y purent d’abord vivre que déguisés en chrétiens, quoique plusieurs d’entre eux fussent parvenus à de hautes situations comme médecins, jurisconsultes ou écrivains[1]. À Bordeaux pourtant, ils n’étaient pas rigoureusement surveillés. Comme leurs capitaux et leur expérience des affaires contribuaient à la prospérité de la ville et que la municipalité voyait leur séjour d’un très bon œil,

  1. Michel de Montaigne descend de Marranes. Sa mère, Antoinette de Louppes, mariée au gentilhomme Pierre Ayquem, seigneur de Montaigne, était la fille du marrane Pierre de Louppes (Pedro Lopès).