Page:Graetz - Histoire des Juifs, A. Lévy, tome 5.djvu/174

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d’Abrabanel, il composa un ouvrage, le Conciliador, où il essayait de concilier les apparentes contradictions des livres saints, mais avec moins de prolixité et d’ennuyeux développements que son modèle. Manassé était un lecteur un peu crédule, il acceptait tout sans critique, le vrai comme le faux, ajoutant la même foi aux inventions des mystiques qu’aux récits de la Bible. Il était convaincu de la vérité de la Cabale et de la théorie de la métempsycose. Pourtant, aux yeux des contemporains, les ouvrages de Manassé eurent une très grande autorité. lis plaisaient par l’élégance du style et inspiraient confiance par l’étendue de l’érudition qui s’y manifestait. Savants juifs et savants chrétiens l’admiraient et le respectaient.

À ce moment, sous l’influence des circonstances et l’impulsion de l’illustre philologue Joseph Scaliger, la Hollande était devenue un centre de remarquables recherches scientifiques. On s’appliquait surtout à étudier à fond les langues et les littératures grecques, latines et hébraïques. À côté de l’hébreu, Joseph Scaliger, l’oracle des théologiens protestants, avait également appelé l’attention des savants sur la littérature rabbinique et témoignait même de la considération pour le Talmud. Ses disciples suivirent son exemple et se consacrèrent avec un grand zèle à cette branche de la science, pour laquelle on n’avait manifesté que dédain un siècle auparavant. À Bâle, Jean Buxtorf l’ancien se distingua par sa profonde science de l’hébreu et de la littérature rabbinique, qu’il fit connaître dans les milieux chrétiens. Il entretint une correspondance suivie, en langue hébraïque, avec des savants juifs d’Amsterdam, de l’Allemagne et de Constantinople. Des femmes même s’occupaient d’hébreu, Anne-Marie Schurmann d’Utrecht, Dorothée Moore et l’excentrique reine Christine de Suède. Enfin, l’hébreu était étudié par des hommes d’État tels que le Hollandais Hugo Grotius et l’Anglais Jean Selden, qui avaient besoin de le savoir pour leurs recherches historiques ou théologiques.

Mais, malgré leur zèle pour ces études, les savants chrétiens ne pouvaient se diriger dans la littérature rabbinique qu’avec l’aide d’un guide juif. lis accueillirent donc avec une vive satisfaction les ouvrages de Manassé ben Israël, où se rencontraient