Page:Graetz - Histoire des Juifs, A. Lévy, tome 5.djvu/175

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de nombreux documents rabbiniques et qui exposaient des points de vue tout nouveaux. Parmi les chrétiens qui recherchèrent son amitié, on trouve des érudits que l’Église persécuta ou déclara hérétiques à cause de la hardiesse de leurs opinions, et aussi des mystiques qui attendaient l’avènement du cinquième empire, ou, selon le langage de Daniel, le règne des saints. Les excès sanglants de la guerre de Trente ans et les souffrances qui en résultèrent avaient fait croire à bien des rêveurs que l’époque messianique du règne millénaire, annoncée par le livre de Daniel et les Apocalypses, était proche, et que les maux présents étaient les précurseurs des félicités attendues. Ces illuminés ne comprenaient pas la réalisation de leurs rêves sans la participation des Juifs, qui, les premiers, avaient reçu l’annonce de cet important événement. Mais dans leur pensée, rien ne pouvait se produire tant que les Juifs eussent repris possession de la Terre sainte. Or, cette entreprise présentait de grandes difficultés. Pour se conformer aux paroles des Prophètes, il fallait, avant tout, retrouver et réunir les dix tribus disparues. Ensuite, Israël ne pouvait reconquérir la Palestine qu’avec le concours d’un Messie issu de la famille de David. Ces chrétiens mystiques s’en remettaient aux circonstances pour aplanir les difficultés qui pourraient s’élever entre leur propre Rédempteur, c’est-à-dire Jésus-Christ, et celui qu’ils attendaient pour le compte des Juif.

De telles extravagances trouvaient créance auprès de Manassé ben Israël, car lui aussi attendait, sinon l’arrivée du règne millénaire des saints, du moins la venue prochaine du Messie, selon la promesse des cabalistes. D’après le Zohar, en effet, l’heure de la délivrance devait sonner en 1648. Manassé fut donc très heureux de recevoir d’un mystique chrétien, Mochinger de Dantzig, une lettre où il lisait les mots suivants : Sache que j’approuve et respecte vos doctrines religieuses et que je forme le souhait, avec certains de mes coreligionnaires, qu’Israël soit enfin éclairé de la vraie lumière et retrouve son ancienne gloire et son ancien salut. Un autre mystique de Dantzig, Abraham de Erankenberg, gentilhomme des environs d’Oels (Silésie) et disciple de Jacob Böhm, lui écrivait : La vraie lumière émanera des Juifs ; leur temps est proche. Chaque jour, on apprendra de différentes