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Page:Graetz - Histoire des Juifs, A. Lévy, tome 5.djvu/177

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situation, chaque psaume répondait à leurs propres pensées. Cromwell se comparait à Gédéon qui, au début, n’obéit à la voix divine qu’en tremblant et qui dispersa ensuite vigoureusement les légions païennes.

Ainsi familiarisés avec l’histoire, les prophéties et la poésie de l’Ancien Testament et pénétrés de l’esprit de la Bible, les Puritains reportaient le respect que leur inspiraient les livres saints sur le peuple qui en est le héros. Pour eux, c’était un vrai miracle que ce peuple, comblé de faveurs si extraordinaires et châtié avec une si rigoureuse sévérité, n’eût pas encore complètement disparu. Ils conçurent donc le désir de voir de leurs propres yeux cette antique race, de l’attirer dans la communauté de Dieu qu’ils voulaient créer en Angleterre. Ceux qui, dans l’armée de Cromwell ou le Parlement, rêvaient du prochain avènement du règne millénaire réservaient aux Juifs un rôle particulièrement brillant dans l’empire des saints. Prenant à la lettre certaines expressions des Prophètes, un prédicateur puritain, Nathanel Holmès (Homesius), exprima le désir de devenir le serviteur d’Israël et de servir ce peuple à genoux. La vie publique, comme les sermons, reçut en quelque sorte une empreinte israélite. Si les membres du Parlement avaient parlé hébreu, on aurait pu se croire revenu en Judée. Un écrivain émit même le vœu de célébrer le samedi, et non pas le dimanche, comme jour de repos. D’autres formulèrent le souhait que l’Angleterre adoptât les lois politiques de la Tora.

Manassé ben Israël suivait avec émotion ce qui se passait en Angleterre, il y voyait l’annonce de l’arrivée prochaine du Messie et il déploya une activité fiévreuse pour hâter la réalisation de ses espérances. À sa profonde joie, un chrétien anglais, Édouard Nicolas, publia un plaidoyer chaleureux en faveur de la noble nation juive et des enfants d’Israël. Dans cet écrit, dédié au Long Parlement, les Juifs, qualifiés de peuple élu, étaient traités avec une bienveillance à laquelle ils n’étaient pas accoutumés. À la fin, l’auteur y déclarait qu’il n’avait pas composé ce mémoire à l’instigation des Juifs, mais par amour pour Dieu et pour son pays. Selon lui, lei maux amenés par les guerres civiles et religieuses étaient un châtiment divin, parce que les Anglais avaient